Temps fort de la nouvelle année au Maillon, Paranoid Androids – Des robots et des hommes regroupe tables rondes et spectacles autour de la place de l’IA et des contours de l’Humanité.
Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? se demandait Philip K. Dick dans une nouvelle qui n’en finit pas de fasciner les cinéastes. En témoigne la récente suite créée par Denis Villeneuve au chef-d’œuvre du cinéma de science-fiction, Blade Runner de Ridley Scott qui sera projetée à la BNU (01/02). Longtemps cantonnés à des artistes (la fameuse pièce de théâtre R.U.R. de Karel Čapek, premier à utiliser le terme “robot”) ou d’hurluberlus scientifiques, la prophétisation du règne des machines – ou du moins de l’avènement de leur omniprésence – n’a jamais semblé si proche. Le mouvement cyberpunk se voit aujourd’hui dépassé par l’utopie transhumaniste d’un côté (ses améliorations du corps et sa promesse de vie éternelle) et les progrès exponentiels de l’intelligence artificielle et des puissances de calcul de l’autre. Sur scène, Stefan Kaegi ouvre le bal. Avec son collectif Rimini Protokoll, il a ces dernières années fait disparaitre les comédiens des plateaux en créant d’habiles protocoles immersifs visant à faire des spectateurs les acteurs de récits et propositions invitant à réfléchir sur le risque, la guerre, la mort ou encore la construction des villes.
Dans La Vallée de l’étrange (20-22/01), il y a bien un personnage anthropomorphe ressemblant trait pour trait à l’écrivain Thomas Melle… mais ce n’est rien moins qu’une machine. Si la voix est réelle, contant les pensées d’un bipolaire devenu une figure culturelle reconnue, les gestes saccadés trahissent les rouages mécaniques de l’enveloppe. Comme dans un test de Turing géant (filiation avec Dick et ses “replicants”), l’androïde digresse sur sa nature robotique comme sur la vie d’Alan Turing, sans toutefois créer assez d’illusion pour entrer dans cette « vallée de l’étrange » donnant son titre à l’œuvre : ce moment où la trop grande ressemblance d’une création avec son créateur crée… une méfiance indépassable. Dries Verhoeven pousse le bouchon encore un peu plus loin en proposant une installation éphémère dans le centre-ville de Strasbourg. Happiness (en photo, 21-29/01) voit une pharmacienne humanoïde placée dans un cube de béton, qui ressemble à ces espaces pour tests PCR, expliquer les bienfaits de substances de synthèse modifiant nos capacités et nos perceptions. L’ère des drogues de synthèse et psychotropes augmentant les limites physiques et psychiques n’est pas si lointaine… Enfin, ne manquez pas Tank (03-05/02), solo de l’autrichienne Doris Uhlich. Entre textes chantés et apparitions d’un corps dans un immense tube de verre rempli de fumée, l’imaginaire déployé mène vers un façonnage expérimental d’une nouvelle sorte d’humains. Glaçant !