Ombres & Lumières

© Guy Vivien

La création mondiale du troisième opéra de Suzanne Giraud, Caravaggio sera proposée, en version de concert, à l’Opéra-Théâtre de Metz. Plongée en musique au cœur de l’art d’un peintre mystérieux.

Artiste de génie proclamé roi du clair-obscur, figure à la réputation sulfureuse dont la biographie est parsemée de trous noirs : libertin, ivrogne et bagarreur – accusé de meurtre, il dut quitter Rome –, Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage (1571-1610) est un personnage d’opéra idéal. Depuis son passage à la Villa Médicis (de 1984 à 1986), la compositrice Suzanne Giraud en est persuadée. C’est au cours de ces années romaines qu’elle découvre le peintre : « De Saint-Louis des Français au Palazzo Barberini, ses œuvres m’ont magnétisée », résume-t-elle. « Sa personnalité également, du moins ce que l’on sait d’elle. Il était notamment dénué de tout sens de la bienséance… » L’autre rencontre fondatrice de cette « dévoreuse de littérature » fut celle de l’ouvrage que l’Académicien Dominique Fernandez – également librettiste de Caravaggio – consacra à l’artiste, La Course à l’âbime (paru chez Grasset en 2003), une « véritable somme sur l’homme et son époque ».

Suzanne Giraud a souhaité « faire sortir de la peinture les nombreux instruments représentés, ceux du Joueur de luth ou du Concert, par exemple, comme si le son provenait directement des toiles » dans un opéra en 21 tableaux, dont chaque scène est liée à une œuvre. Les allers-retours sont permanents entre le XVIe et le XXIe siècle – les instruments anciens cohabitent et alternent avec les modernes – dans une partition reflétant une personnalité atypique. S’y mêlent en effet réminiscences spectrales (courant musical des années 1970 / 1980 qui prend pour fondement l’utilisation des différents spectres harmoniques) rappelant qu’elle a étudié avec Hugues Dufourt et Tristan Murail, esprit du contrepoint de la Renaissance dont elle est une spécialiste et principes mathématiques de composition fondés sur les nombres fractals et la Suite de Fibonacci. Dans une musique aux sonorités contrastées, on retrouve les multiples lectures possibles de tableaux aux sujets religieux dont les modèles étaient des mauvais garçons ou des prostituées et dont la signification est intimement liée à certains épisodes de la vie du Caravage. « J’essaie de donner ma vision du peintre à travers cette épaisseur stratifiée de sens superposés. » explique Suzanne Giraud qui a entrainé dans l’aventure le contre-ténor à la voix d’or Philippe Jaroussky – dans le rôle-titre –, une des plus grandes stars de la planète dans le répertoire baroque.

À Metz, à l’Opéra-Théâtre, vendredi 6 et dimanche 8 avril

03 87 15 60 51 – http://opera.metzmetropole.fr
www.suzannegiraud.com

 

vous pourriez aussi aimer