Oete et son succès fou

Oete : Défense (clip officiel) Réalisé par Yann Ohran

Avec Armes et paillettes, premier album tout en mélodies pop éthérées, Oete, 23 ans, s’impose en futur roi de la chanson française. Rencontre avec un des artistes les plus attendus du Charabia festival.

Pourquoi cet étrange nom de scène ?

Prendre un pseudonyme était une façon de me créer un alter-ego, une sorte de Thibaut (mon prénom à la vie) tout puissant, qui m’aide à me sentir mieux au quotidien. Oete [prononcer “eute”] est un dérivé du mot “poète”, amputé du P, mais aussi un jeu sur les pronoms et la place qu’on se voit assignée dans la société. En général, il y a vous, moi… et puis “eux” : les autres, les hors classe. Dans mon parcours, j’ai souvent été renvoyé à cette troisième catégorie.

Vous avez grandi en Picardie et êtes venu à la musique sur le tard…

J’ai passé mon enfance dans la campagne profonde, où il n’existe de culture que celle des champs. Mais c’est de cet ennui qu’est né mon insatiable appétit pour la création artistique – d’abord le théâtre, la danse, puis une formation circassienne. À 17 ans, j’ai acheté une guitare avec mon premier salaire d’animateur et j’ai appris à composer à force de tutos Youtube. Voilà comment on apprend la musique au XXIe siècle ! [Rires]

Oete : La Tête pleine
Oete : La Tête pleine, réalisé par Simon Vanrie

Les choses ont été très vite depuis. Dès le premier single (La Tête pleine) il y a un an et demi, les projecteurs se sont braqués sur vous. Comment décrire votre univers ?

C’est de la musique pour danser sérieusement. Des textes assez noirs, sur des mélodies en forme de joyeux exutoires où les corps en transe peuvent exorciser les angoisses. J’appelle cela de la “variété alternative”, au sens où elle comporte beaucoup d’aspérités. J’ai baigné toute mon enfance dans la variété : j’en suis empreint et je m’y ancre totalement. Loin du kitsch auquel on la résume trop souvent, je veux redorer son blason, rappeler qu’elle renvoie aussi à des monuments tels Christophe, Bernard Lavilliers, Catherine Ringer, Daniel Darc, etc.

Vous n’êtes pas le seul : Fishbach, Juliette Armanet… Qu’est-ce qui vous plait tant dans les synthés et les sonorités des années 1980 ?

Ma vie entière est dirigée vers cette décennie. Même mes meubles datent de cette période-là ! C’est une façon de m’évader de la société consumériste et aseptisée qu’est devenue la nôtre, d’échapper aussi à la réalité oppressante des pandémies, des guerres, des crises, etc. Les eighties, c’est la lumière : m’y plonger me fait du bien, tout simplement.

Oete © Yann Orhan
Oete © Yann Orhan

Parlons d’Armes et Paillettes : un titre en forme d’oxymore… Est-ce pour rappeler que nous sommes tous faits de contradictions ?

On est plein de névroses surtout ! Les armes, ce sont toutes ces choses qu’on s’est pris dans la tête, les carences avec lesquelles il a fallu avancer. Quant aux paillettes, c’est la candeur qui s’obstine, le fait de continuer à croire dans ses rêves malgré tout.

La musique est-elle une façon de vous libérer de vos fêlures ?

C’est ma façon de les célébrer au contraire. Elle me permet de l’emporter sur les traumas en les rendant plus
beaux, en en faisant une fête. Faire danser les gens sur HPV, un morceau sur le papillomavirus, c’est une sacrée victoire sur cette MST ! De même pour Corps & ego et tous les complexes avec lesquels on s’abime en se jugeant à l’aune d’on ne sait quels idéaux sociaux.

Dans votre projet, il y a aussi une esthétique mode et queer…

On est de plus en plus nombreux à s’emparer du visuel pour créer un univers complet, à l’image d’un David
Bowie. Le côté expérimental de cette recherche stylistique m’intéresse beaucoup. Quant au côté queer, il semblerait en effet que je le sois… puisque le maquillage et les talons restent encore inhabituels pour un homme en 2022. Mais ce n’est pas un cheval de bataille, j’essaye plutôt d’être du côté de la banalisation. J’ai les yeux bleus, je fais 1,72 m, je chausse du 41 et je suis homosexuel : tout cela est pour moi sur le même plan.

Oete

Au Manège (Reims) dans le cadre du Charabia festival jeudi 2 décembre et à l’Espace Django (Strasbourg) vendredi 31 mars 2023
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Édité par Roy Music
roymusic.com
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