Nouvelles vagues au festival Entrevues
Toujours en quête de jeunes talents, le festival Entrevues explore les écritures cinématographiques nées du confinement et ouvre les possibles du récit.
Trente-six ans que le festival créé par Janine Bazin dans la ville du lion défriche le jeune cinéma indépendant en
quête de regards singuliers et d’expérimentations nouvelles. Comme une chambre d’écho saisissante à nos vies. Et les vingt-trois longs, courts et moyens métrages sélectionnés pour la prestigieuse compétition internationale ne dérogent pas à la règle. Ils sont les miroirs tendus à notre époque. « Il y a en effet, surtout parmi les courts métrages, plusieurs oeuvres qu’on pourrait dire “de confinement” », confirme Elsa Charbit, directrice artistique de la manifestation belfortaine. « Un peu comme un cinéma de chambre »… dont l’hypnotique pièce expérimentale du japonais Shun Ikezoe pourrait devenir le manifeste. Suivant le grain paisible de la lumière et l’écoulement du temps, What is it that you said ? fascine tant il parvient à retranscrire la texture d’une année faite de petits mouvements, d’échanges intimes et imparfaits. Une veine dans laquelle s’inscrit tout autant le film-essai de Margaux Guillemard, The Last Name of John Cage, en forme de réflexion introspective qui, très simplement, regarde par la fenêtre, confrontant tension intérieure et silence du monde au dehors.
Dans son long métrage intitulé We’re All Going to the World’s Fair, l’américaine Jane Schoenbrun narre le quotidien hyperconnecté d’une adolescente happée par un jeu en ligne, jusqu’à l’aliénation et la dissociation psychique. Un conte initiatique 2.0, qui interroge le rôle d’Internet et ses distorsions virtuelles dans la difficile construction de soi. D’un film l’autre, le spectateur voit sourdre les mille et un visages de nos détresses contemporaines comme de nos révoltes, qu’elles soient tempétueuses ou souterraines. En témoigne Beatrix, des autrichiennes Lilith Kraxner et Milena Czernovsky, (d)étonnante relecture féministe du Jeanne Dielman de Chantal Akerman, qui nous convoque dans l’intimité d’une femme enfermée chez elle à ne rien faire, rêvasser, laver, recevoir des amis, croquer du raisin… « Une oeuvre qui travaille sur la notion de hors-champs, qui observe sans jamais donner tout à voir et marque par sa frondeuse radicalité », raconte Elsa Charbit. Ouvrir les possibles du récit : tel est peut-être le geste commun à l’ensemble des sections de ces Entrevues 2021, de La Transversale consacrée cette année au thème de l’Amour fou – parcourant l’histoire du septième art depuis L’Inconnu (1927) de Tod Browning jusqu’au Tabou (2012) de Miguel Gomes –, à la très engagée rétrospective consacrée à Nadav Lapid. Prix du jury à Cannes pour Le Genou d’Ahed, véritable tour de force stylistique, l’Israélien sera à l’honneur d’une édition décidément placée sous le signe de la radicale invention.
Au cinéma Pathé (Belfort), du 21 au 28 novembre
festival-entrevues.com