Nouveau souffle
La 33e édition d’Entrevues convie des cinéastes confirmés comme les frères Larrieu ou de jeunes réalisateurs à (re)vivre leur toute première fois à Belfort. Questions à Lili Hinstin, directrice du festival international du film qui s’intéresse de près aux marges.
Votre manifestation parvient à faire émerger et connaître de nouveaux talents. Quels sont les derniers exemples de succès post-Entrevues ?
Kaili Blues de Big Gan, réalisateur chinois sélectionné à Cannes pour son second long l’année suivante. Il s’agit d’un film exceptionnel, qui renouvelle complétement le cinéma contemporain, sans imiter quoi que ce soit ! Il réinterprète de manière très actuelle le rapport au mouvement ou à l’image et repense totalement la question narrative. La même année, en 2015, nous avons projeté Sac la mort d’Emmanuel Parraud, western ethnographique tourné en créole à La Réunion ! Les films algériens que nous avons défendus, comme Chantier A, Révolution Zendj ou Dans ma tête un rond-point, renouvellent de façon complétement naturelle l’héritage de Godard, très vivace dans cette partie du monde, à l’heure où JLG lui-même s’intéresse au Maghreb. Ces cinéastes sont résolument politiques, sur la forme comme sur le fond. En Algérie, la situation des salles de ciné est catastrophique, mais les échanges avec la France sont fréquents : les co-productions et co-financements facilitent les choses.
La Fabbrica propose de montrer les premiers films de cinéastes français comme les Larrieu, Alain Guiraudie ou Jacques Nolot…
Cette section permet de penser, en public, à comment une oeuvre cinématographique se fabrique collectivement. Fin d’été de Jean- Marie et Arnaud Larrieu est un des plus méconnus et réjouissants de cette édition ! Il est libre, beau, décomplexé vis-à-vis du sexe, presque libertaire. Sur le sommet d’une montagne, loin de la cité, comme toujours chez eux, il décrit le quotidien d’un homme vivant seul dans sa cahute et recevant des gens chez lui…
Sans forcément prendre partie, quels sont les films les plus marquants de la compétition internationale ?
Nous avons deux films japonais cette année : Forgotten Planets de Takayuki Fukata, film mumblecore très original, sorte de comédie sentimentale métaphysique, et Kamagasaki Cauldron War de Leo Sato, mélange burlesque de Jonas Mekas et Takeshi Kitano. Il parle d’un quartier d’Osaka qui accueille prostituées, SDF ou travailleurs journaliers et rassemble tous les gens qui veulent disparaître : ceux-ci brûlent leurs papiers pour y vivre incognito. Outre Winter’s night du coréen Woo-Jin Jang ou Para la guerra de l’argentin Francisco Marise, citons Reza d’Alireza Motamedi, film iranien totalement différent de ce qu’on connaît du cinéma d’Iran. Il ne s’agit pas d’un drame qui expose, sous forme de scénario très élaboré, des questions socio-politiques d’aujourd’hui, mais d’une comédie à la Woody Allen qui raconte les atermoiements sentimentaux d’un personnage recevant les coups de la vie avec bonhommie.
Au cinéma Pathé et à La Poudrière (Belfort), du 17 au 25 novembre