Traces de vie
Avec Nachlass (pièces sans personnes), le collectif Rimini Protokoll convie à une déambulation dans des salles composées avec des personnes en fin de vie. Entre mausolée et témoignage intime.
Depuis près de deux décennies, le théâtre immersif et documentaire développé par le collectif Rimini Protokoll fascine. Son nouvel opus prend la forme d’une installation : huit chambres, desservies par un couloir, qui s’ouvrent en alternance selon un compte à rebours s’égrenant en leds rouges. On pénètre par tout petits groupes dans ces quelques mètres carrés composés par des hommes et des femmes ayant décidé de leur mort, comme l’autorise la législation suisse. Ils sont fou de base jump, diplomate à la retraite, graphiste et pêcheur à la mouche, commerçant turc… Tous se savaient condamnés par une grave maladie, un âge avancé ou des pratiques hautement risquées. Ils ont acceptés de participer à ce projet mené par Stefan Kaegi et Dominic Huber : aborder la fin de leur vie comme un ultime voyage, laisser une trace de ce qui les constituait, mettre en scène leur absence à venir en plaçant le public au plus proche de l’intime.
Les autoportraits de Nachlass qui se succèdent, scénographiés avec soin, reproduisent un bureau seventies, un salon de banlieue ou encore un espace neutre, transitoire, constitué d’empilement de boîtes remplies d’œuvres d’art africain. Les trajectoires personnelles se révèlent dans l’instant, parfois dans le bilan nostalgique, souvent dans le besoin de transmission. De se dire, une dernière fois. La chambre d’Alexandre, quarantenaire victime d’une maladie rare, réserve son lot de surprises et le poids du chagrin d’un père qui ne pourra pas voir sa fille devenir grande. Ses mots simples, lâchés en voix off, envahissent l’espace, nous laissant hagards, à la recherche de ses traces. Certains ont déjà traversé le grand vide de l’existence et les rives du Styx, d’autres toujours de ce côté-ci du monde rendent palpable un mélange d’émotion brute, de choix réfléchi faisant naître un grand trouble. Comment en effet ne pas se projeter à leur place ? Jauger nos propres vies à l’aune de celles qui la quittent, pris par le vertige de la petitesse, de l’insignifiance et de la vacuité de nombre des problèmes quotidiens qui nous agitent…
À La Filature (Mulhouse), du 16 au 18 mai
lafilature.org
rimini-protokoll.de