Michèle Lutz est candidate à sa propre succession.
Quel bilan pour la culture dans votre ville ?
Fatima Jenn (sans étiquette). La richesse et la dynamique culturelle de Mulhouse sont portées par la diversité et les initiatives variées de ses acteurs culturels. Les 6 dernières années ont bien sûr été marquées par des festivals culturels reconnus et appréciés tels qu’entre autres Scènes de rue, La Nuit des Mystères ou Musaïka par exemple. Cependant, l’appropriation de la culture mulhousienne par les mêmes acteurs ou organisée autour de pôles culturels donneurs d’ordre limitent la diversité de l’offre culturelle et brident la créativité des artistes qui ne bénéficient pas de la visibilité offerte par ces grands pôles. La culture doit être un moyen d’expression libre et non de communication à des fins politiques, privilégiant les acteurs culturels consensuels.
Michèle Lutz (LR, UDI, MoDem). En 2020, le bilan ne devrait pas se constater sur six ans mais bien sur 30 puisque Michel SAMUEL-WEIS, adjoint à la culture depuis 5 mandats tirera sa révérence, salué par les acteurs culturels locaux comme il l’a été lors de la dernière réception annuelle. La première satisfaction est que nous avons su parler à tous, même l’expression artistique la plus pointue trouve à Mulhouse un public. L’accès de tous à la culture reste une priorité. L’une des belles réussites est la biennale 00, idée originale de Michel SAMUEL-WEIS qui est aujourd’hui une référence et qui permet à de jeunes plasticiens contemporains de présenter leur travail lors d’un premier grand salon. Autre exemple qui fait l’unanimité, le dispositif DEMOS. Nous avons souhaité cheminer avec la Philharmonie de Paris pour permettre à des enfants qui n’ont pas l’opportunité d’apprendre une pratique instrumentale, de bénéficier d’une vraie formation de qualité. Et la réussite est incontestable, nous avons installé la deuxième cohorte il y a quelques semaines et je dois avouer que le concert du DEMOS Mulhouse à la Philharmonie de Paris l’an passé restera l’un des très beaux moments de ce mandat.
De l’Opéra National du Rhin aux formidables compagnies professionnelles et amateurs de quartier en passant par des artistes très prometteurs comme le Munstrum Théâtre, nous avons pu travailler avec des personnes de tous les horizons et c’est une richesse. Il y a aujourd’hui un tissu culturel mulhousien très dense et varié, ce fut un long travail mais je pense que c’est une réussite. Sans le sérieux attribué à la politique culturelle mulhousienne, peut-être n’aurions-nous pas pu faire fusionner les écoles d’arts strasbourgeoises et mulhousienne pour donner la HEAR ou encore garder en notre sein une structure prestigieuse comme le Ballet du Rhin. Les acteurs culturels ont beaucoup contribué à la transformation de notre ville, beaucoup de structures culturelles mulhousiennes sont nées de la conversion de nos friches industrielles ou commerciales telles que la Filature, Motoco, le nouveau Conservatoire, l’ancienne Gare de Dornach maintenant consacrée aux musiques actuelles ou encore la Kunsthalle. Ces lieux qui étaient des verrues urbaines sont en passe de devenir des institutions, dont le rayonnement pour certaines va bien au-delà des limites de notre ville : pour exemple, la Kunsthalle vient d’obtenir le label CACIN, 1er site de création contemporaine alsacien à obtenir cette reconnaissance nationale. Le dynamisme artistique de Mulhouse n’est plus à prouver. Afin de gagner en cohérence, nous avons souhaité rassembler les activités estivales sous le nom « Mulhouse l’Épopée ». Le résultat ? Plus de 100 évènements pour 60 jours cumulés de diffusion et plus de 150 000 spectateurs.
Lara Million (LREM, MoDem, Agir, PS, Les Socialistes mulhousiens, Parti Animaliste, Mouvement écologiste indépendant). Ce n’est pas un bilan des 6 dernières qu’il faut faire mais des 30 dernières années puisque ce fut le même adjoint à la culture depuis 1989. Il laisse derrière lui une ville où les institutions culturelles occupent une place importante dans l’offre culturelle de Mulhouse mais aussi de l’agglomération. Mais cette offre existe aussi aujourd’hui car les Mulhousiens ont toujours généré des mouvements collectifs qui du stade alternatif sont passés au stade institutionnel avec l’accompagnement plus ou moins appuyé de la collectivité. Pourtant certains équipements manquent encore de vision globale de développement et d’ouverture sur les nouveaux publics et ils devront être accompagnés par la Ville et ses partenaires dans le prochain mandat. Le meilleur moyen de faire le bilan sera d’organiser les Etats Généraux de la Culture, 30 ans après, pour jeter un regard sur le passé et surtout écrire avec tous les acteurs d’aujourd’hui, une nouvelle politique culturelle à Mulhouse.
Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire ?
Fatima Jenn (sans étiquette). Il s’agit principalement de redonner la parole aux artistes mulhousiens, toutes catégories confondues, et de leur permettre de se réapproprier l’espace public. La politique culturelle ne doit pas être affirmée par la municipalité, elle doit être co-construite avec l’ensemble de ses acteurs. La municipalité doit être à l’écoute des initiatives. Elle doit faciliter l’émergence de projets et favoriser la visibilité des initiatives privées pour mettre en avant l’ensemble des acteurs culturels.
Mulhouse regorge de talents, il est inacceptable que seule une partie d’entre eux puisse largement diffuser leur art et leur message. Nous voulons mettre fin à l’élitisme culturel, amener la culture aux Mulhousiens et non amener les Mulhousiens à une offre culturelle prédéfinie. Concrètement, nous proposons de transformer des espaces municipaux vacants pour proposer davantage d’ateliers aux artistes, d’engager une politique de communication visible et exhaustive sur l’ensemble des propositions culturelles, de créer des ponts entre la culture, l’éducation, l’environnement et le vivre ensemble.
Michèle Lutz (LR, UDI, MoDem). Les idées sont nombreuses et touchent tous les domaines. Mais s’il fallait synthétiser notre réflexion, nous pourrions la décrire en deux axes principaux.
Premièrement, fidèle à nous-mêmes, nous aurons le souci de réinventer ce qui se fait traditionnellement et dont on a peut-être trop pris l’habitude. La surprise, l’innovation, l’audace, ces termes nous caractérisent sur bon nombre de politiques et je souhaite que la politique culturelle en fasse partie. Nous poursuivrons l’aide à la création, nous accompagnerons l’émergence et la formation des talents de notre ville. Cela se fera par exemple en réinvestissant et en réinventant un lieu de musique et de culture populaire. Transformer un site un peu délaissé et lui redonner un nouveau départ. Nous avons la chance d’avoir une tradition locale alsacienne qui se prête parfaitement à cela, à nous d’y introduire la touche de modernité qui nous caractérise.
Dans la même lignée, la lecture publique se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins et il est indispensable d’imaginer ce qu’elle doit être au XXIème siècle. Le défi de la bibliothèque du XXIème siècle s’impose alors à nous et nous ferons de sa création un point fort de la prochaine mandature. Cela se fera à travers un lieu véritablement innovant et par la modernisation des outils existants. Nous avons la chance de compter dans la commune plusieurs librairies indépendantes de grande qualité capable de mener des projets d’envergure et nous devons être présents autour d’elles pour faire vivre cet écosystème fragilisé. Le festival Motàmot, porté par les bibliothèques municipales et les libraires de la ville, consacré à l’écrit sous toutes ses formes, a réuni 1500 personnes pour sa 1ère édition l’année dernière à Motoco.
Sur la question du patrimoine, nous nous replongerons 800 ans en arrière, à la création des remparts marquant le début du Mulhouse que nous connaissons aujourd’hui. Nous profiterons de ce temps privilégié pour créer une programmation ambitieuse, sur plusieurs années, tant scientifique que divertissante, pour faire mieux connaître les origines de leur ville aux habitants, pour poursuivre et renforcer la communauté mulhousienne, qui partage un même héritage culturel, patrimonial et arrive à se projeter pour relever ensemble les enjeux du futur.
Deuxièmement, il s’agira de continuer à miser sur l’offre actuelle qui est considérable, mais en renforçant plus encore le rayonnement de celle-ci. L’action culturelle se décline vers les publics les plus jeunes dans le but de partager et de transmettre des éléments culturels communs. L’année dernière, nous avons décidé de regrouper sous une même bannière les activités culturelles estivales. Nos services ont relevé le défi pour monter cette première édition. Grâce à cette réussite, nous sommes convaincus d’être sur une bonne voie et souhaitons poursuivre cette démarche. Elle permet bien sûr de croiser les travaux de chaque structure et côté Ville nous pouvons déployer une puissance de communication considérable autour d’un ensemble bien identifié auprès du grand public. De plus, nous avons la chance d’avoir des structures culturelles municipales de qualité. Le théâtre de la Sinne, les Musées sont des institutions mais le Conservatoire et l’Orchestre Symphonique doivent prendre leur place pour diffuser encore plus largement leur art.
Pour finir, l’art urbain est devenu une marque de fabrique de Mulhouse, à nous de l‘amplifier et de faire connaître cette réussite.
Ces deux priorités : rénovation et rayonnement mériteront une phase de large concertation en début de mandat afin qu’elles soient pleinement partagées avec tous les acteurs.
Lara Million (LREM, DVD). Le premier axe est la mise en valeur et le soutien à la création notamment pour les jeunes et les cultures urbaines. Mulhouse est une ville jeune mais le soutien à la création en direction des talents locaux qui sont nombreux peut et doit être renforcé, quel que soient les disciplines. Une attention toute particulière sera donnée à l’éducation artistique pour tous et l’accompagnement au développement et à l’export d’artistes en France et à l’international. Mais la création c’est aussi prendre en compte les projets artistiques expérimentaux, innovants et leur permettre d’émerger plus facilement grâce à un dialogue plus souple et une simplification administrative.
Le second axe est un travail de proximité afin de transformer la ville grâce à la culture qui participe au mieux vivre-ensemble. Les temps forts permettent de se rassembler mais un travail de fond et de médiation culturelle doit être fait toute l’année afin de permettre à tous les habitants d’être acteurs de la culture. Les acteurs de l’éducation populaire devront retrouver, aux côtés des institutions, un rôle important dans cette volonté de travailler sur la diversité culturelle et la prise en compte des droits culturels. La proximité c’est aussi décloisonner les secteurs, construire de la coopération et adopter une gouvernance plus ouverte.
Le troisième axe doit permettre à notre patrimoine culture, nos musées, et à notre label « Ville d’Art et d’histoire » de contribuer au rayonnement et à l’attractivité économique et touristique de la ville, de l’agglomération, du Sud Alsace, voire du bassin suisse et allemand. La force d’un territoire se mesure aussi à sa capacité à faire travailler ensemble tous les nombreux acteurs culturels, en croisant les formes et les disciplines. C’est la densification du tissu d’acteurs créatifs en lien avec l’Université et les entreprises qui permettra à terme l’essor d’une économie créative ou touristique porteuse d’avenir et d’emplois et la possible mutation de certains équipements spécialisés (cinéma, bibliothèque, salle de spectacle…) en tiers-lieux. Ces derniers seront de plus en plus invités à évoluer afin de prendre en compte des nouveaux besoins ou enjeux, économiques, environnementaux, mixant ainsi les activités et les usages.
Le quatrième axe est un travail autour des outils d’excellence culturelle dont dispose la ville comme la Filature, l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, le Ballet du Rhin de l’Opéra national du Rhin pour leur permettre de rayonner encore plus largement au-delà de nos frontières, avec des collaborations outre-rhin mais aussi dans le monde entier.
Ces quatre axes devront être travaillés avec une méthode participative, partagée et permanente qui prendra en compte l’ensemble des ressources territoriales et qui favorisera l’émergence et l’accompagnement de processus coopératifs entre structures, porteurs de projets et territoires.
Quel serait alors le projet culturel emblématique de la mandature à venir ?
Fatima Jenn (sans étiquette). Le projet emblématique sera de redonner la parole aux artistes : il ne pourra pas être question pour la municipalité d’être uniquement donneur d’ordre de nouveaux projets. A travers la co-construction, l’encouragement à de nouvelles expressions artistiques et la mise à disposition de l’espace public, nous souhaitons promouvoir un dynamisme permanent pour l’ensemble des publics et des sensibilités.
La municipalité devra également œuvrer pour le rayonnement culturel de Mulhouse. Il ne s’agit pas seulement de faire venir un public national, suisse ou allemand à Mulhouse, mais également de promouvoir les initiatives des acteurs culturels mulhousiens en dehors des frontières de la ville et de l’agglomération.
Michèle Lutz (LR, UDI, MoDem). La réflexion sur la création d’un lieu dédié à la musique et aux arts populaires et vivants pourrait être un projet fort. Ce lieu aurait une vocation à être emblématique par l’ambition de sa programmation, sa place dans la ville et l’appropriation qu’en feront les habitants, sur la scène et dans la salle.
Lara Million (LREM, DVD). Le projet emblématique de la mandature à venir doit être un objectif : celui de faire en sorte que la Culture à Mulhouse soit le vecteur principal de lien social. Au marché, parce que la culture c’est aussi la gastronomie, dans les bars, au cinéma ou au théâtre, ou encore dans n’importe quel musée ou autre lieu culturel de la ville, chaque mulhousien doit y avoir sa place, avoir la possibilité de rencontrer l’autre dans une ambiance conviviale et partager des expériences. Alors pourquoi pas rêver d’un grand rendez-vous culturel autour de la diversité, une fête des cultures du monde où world music, littérature, danse, gastronomie, théâtre, photographie et toute autre discipline se retrouveraient autour d’un temps fort pour faire découvrir l’autre. Toute la ville et ses acteurs pourraient s’y impliquer pour en faire un projet partagé.
Comment gérerez-vous l’avenir de Motoco ?
Fatima Jenn (sans étiquette). Motoco doit devenir un véritable centre d’expression créative et permettre la visibilité de l’ensemble des artistes mulhousiens, un laboratoire de l’expression artistique libre. Motoco est un moyen pour la visibilité, les synergies entre les différentes formes artistiques, et non simplement une fin en tant que vitrine de la culture mulhousienne pour la municipalité. Motoco s’est transformée en pôle institutionnel et a perdu le dynamisme alternatif de ses débuts. Il doit se renouveler pour être un outil pour les artistes. Motoco doit pouvoir rassembler, accompagner l’émergence de nouveaux projets collaboratifs et conseiller les jeunes talents, qu’ils soient les nouveaux artistes issus de la HEAR ou les jeunes talents autodidactes. Motoco devra représenter la cheville ouvrière de la coordination culturelle mulhousienne en respectant la diversité de l’offre culturelle.
Michèle Lutz (LR, UDI, MoDem). La marge de manœuvre du Maire sur Motoco est assez limitée, les murs appartenant à l’Agglomération et l’exploitation étant assurée par une SAS. Mais ce site est devenu un haut lieu d’innovation culturelle mulhousien et je tiens à ce qu’il puisse contribuer au rayonnement de notre ville. Motoco a su s’installer dans le paysage en diversifiant son modèle économique, c’est ce qui fait aujourd’hui sa force. Il est bien repéré par le monde artistique local, l’histoire qu’il véhicule et le nombre important d’artistes qu’il peut accueillir fait de ce lieu un endroit assez singulier. La première étape est donc franchie et de bonne manière, le lieu est crédible, identifié par les professionnels. Il va poursuivre sa montée en puissance. Il est situé dans un quartier en devenir, ouvert sur la ville, que nous souhaitons relier au marché puis au Centre-Ville grâce à l’avenue Briand qui connait elle aussi une mutation en profondeur. Nous contribuerons à son développement hors de ses murs et surtout hors de Mulhouse, car des laboratoires artistiques de ce genre existent ailleurs et auraient des intérêts convergeant, sa notoriété doit dépasser les frontières car le potentiel est là. La Ville se tiendra bien-sûr aux côtés de toutes les bonnes volontés qui œuvreront à ce projet.
Lara Million (LREM, DVD). Motoco est géré par la M2A ce qui ne devrait pas empêcher la Ville de Mulhouse de s’intéresser au projet et de le soutenir en respectant la liberté de création et d’expérimentation qui est le gage de la réussite d’un tel projet. Motoco a trouvé un modèle économique, c’est incontestablement une réussite dans la reconversion d’une friche industrielle. Il faudra s’assurer que ce modèle peut être pérenne et continuer à travailler pour le consolider. Il faut maintenant continuer à développer le site de DMC, l’aménager progressivement dans l’esprit d’un éco-quartier qui fera largement place aux économies émergentes. Notre intention est de veiller à faire de Motoco un partenaire du développement culturel de toute la ville en créant des passerelles avec les autres acteurs.