Mot de passe
Créé dans le cadre de Marseille-Provence 2013, Ali Baba prend des accents cosmopolites lorsqu’il est réinventé par la fantaisie de Macha Makeïeff. Dans un feu d’artifice visuel, le conte des Mille et une nuits entre en résonance avec le monde d’aujourd’hui.
Il y a ceux qui jouent au Loto toute leur vie et puis ceux qui sont simplement là au bon moment pour décrocher le sésame et entrer dans la caverne. Le naïf Ali n’avait rien demandé à personne, encore moins à une quarantaine de voleurs. La chance, voilà tout. Quoique. Pas facile d’être un nouveau riche, quand on s’encombre de quelque moralité. Encore moins lorsqu’on est entouré d’un frère cupide et d’une belle-sœur vénale. Si la vie lui a souri, Ali va bientôt connaître les tourments de la métamorphose sociale, la crainte d’être dépossédé. « Le conte m’intéresse, ce mode de récit où tout est possible : le merveilleux, l’horreur, le prodige, le plaisir et l’épreuve. Il est le lieu des révélations de nos âmes. Car sous couvert d’une histoire à raconter, de rebondissements, de coups du sort et autres surprises amoureuses, Ali Baba libère les désirs enfouis et exaspère nos terreurs », souligne Macha Makeïeff.
Dans sa version, Ali est un antihéros truculent et volubile, presque enfantin, ferrailleur de son état et gentiment porté sur la bouteille. Il est « l’idiot magnifique ». En adaptant cette histoire avec l’auteur palestinien Elias Sanbar, la directrice du Théâtre de La Criée a voulu un personnage métissé : un peu marseillais, un peu arabe, un peu rom. De la même façon, elle donne à entendre les trois langues qui jalonnent le parcours littéraire des Mille et une nuits, l’arabe, le persan et le français. Sur fond de décor portuaire, « l’intrigue se déroule dans un ici et maintenant tout à fait imaginaire, no man’s land méditerranéen, entre-deux familier où se jouent trafics, arnaques, embrouilles et expéditions en tous genres ». Car si le merveilleux est la clef de l’affaire, l’histoire d’Ali Baba est d’abord empreinte de la dure réalité humaine, où règnent pauvreté, vol, assassinat, trahison, cruauté et jalousie. Onze acteurs, danseurs, chanteurs, musiciens et acrobates participent à cette fantaisie qui pose la question essentielle : « Nous sommes tous des Ali et rêvons à notre caverne. Mais est-ce que la richesse enchante l’existence ? » La morale, fluctuante et transgressive, interroge plus subtilement encore : est-ce voler que de voler des voleurs ? Est-ce voler que de spéculer ? Dans Ali Baba, il n’y a guère de bons sentiments, juste un homme simple face à une destinée inouïe, qui fait comme il peut, entre rêve et cauchemar. À ceci près qu’en entrant dans la caverne de Macha Makeïeff, il découvre un trésor de fantaisie inépuisable, qui aurait tendance à se multiplier à mesure qu’il est partagé. Le sésame du théâtre.
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