Moonwalk
Il y a cinquante ans, l’homme posait le pied sur la lune pour la première fois. Au Kunsthaus Zürich, Fly me to the Moon célèbre cet événement, explorant les regards des artistes sur notre satellite en 200 oeuvres.
Qui mieux que Sylvie Fleury pouvait ouvrir cette exposition ? Une fusée en peluche de plus de trois mètres cinquante de haut accueille le visiteur, symbole phallique co(s)mique dont s’échappent des musiques de groupes de filles. L’oeuvre est la digne représentante d’une longue série nommée First Spaceship on Venus (titre d’un film culte des sixties venu de l’autre côté du Mur) dans laquelle certaines sont peintes de vernis rouge, d’autres pailletées. Voilà belle illustration du credo d’une exposition explorant la lune de manière à la fois humoristique et critique. Preuve en est apportée avec deux autres avatars de cette série de la plasticienne helvète (fusées argentées et dorées avachies toutes raplapa) ou par sa sculpture de néon où la phrase High Heels on the Moon saute au visage du visiteur.
Des représentations romantiques – la mélancolie tragique de Füssli ou deux clairs de lune sur la lagune jumeaux, celui de Friedrich Nerly du XIXe siècle et celui réalisé par Hiroyuki Masuyama en 2018 – à l’abstraction maîtrisée d’un Relief planétaire d’Yves Klein, le parcours est vaste et multiforme. Une section est, par exemple, dédiée à l’influence maléfique supposée de l’astre qui engendre la mélancolie et bien d’autres maux avec les spectres angoissants d’Alfred Kubin, un fétiche somnambule de Max Ernst ou l’érotisme morbide d’une femme en croix peinte par Albert von Keller. Ailleurs, se confrontent une cosmonaute soviétique ultra glamour signée Vladimir Dubossarsky & Alexander Vinogradov revisitant le langage visuel de l’URSS au mitan des années 2000, et un astronaute eighties de Warhol qui interroge pareillement l’héroïsation des acteurs de l’odyssée de l’espace au pays de l’Oncle Sam. La propagande est du reste bien présente dans les salles avec des affiches au slogan imparable (СЛАВА ОКТЯБРЮ! soit Octobre glorieux !) montrant que la conquête spatiale est de la même essence que le combat des travailleurs. Malgré l’appropriation technique et la science qui permit de débarquer sur la Mer de la Tranquillité (des photos de Buzz Aldrin en témoignent d’époustouflante manière), la lune reste un véritable mystère : c’est ce qui ressort d’une exposition magistrale où rayonnent plusieurs toiles de René Magritte. Parmi elles, la très métaphysique Architecture au clair de lune mêle d’étranges escaliers qui ne semblent aller nulle part, évoquant vaguement la Villa Malaparte de Capri, un disque lunaire irradiant et une boule sortie de La Mélancolie de Dürer.
Au Kunsthaus Zürich, jusqu’au 30 juin