Mickaël Phelippeau et les Majorettes de Major’s Girls
Artiste complice de La Filature, Mickaël Phelippeau vient de créer Majorettes, portrait chorégraphique dédié aux Major’s Girls.
Elles sont douze, en costume bleu et blanc. Justaucorps et vestes à boutons dorés, bottines blanches vernies. Avec (ou sans) leur bâton qui tournoie dans les airs, ces membres des Major’s Girls de Montpellier ont, pour nombre d’entre elles, la soixantaine, se connaissent depuis plusieurs décennies, mais ne manquent pas de panache, frappant le sol de leur talon et multipliant les chorés, comme à la parade. Mickaël Phelippeau les rencontre en 2022, lui, le chantre des “bi-portraits” tout de jaune vêtu, signés avec (et pour) des amateurs. Un protocole bien huilé et une empathie à toute épreuve permettant de faire se dévoiler des anonymes sur les plus grandes scènes. Sans voyeurisme, mais avec ce béguin réel pour l’autre et ses histoires de vie. À la manœuvre, le chorégraphe, qui ne jure que par la répétition et la recherche du geste parfait, tombe sous le charme de la joyeuse bande et de leur capitaine, Josy, fille de la créatrice du club ayant débuté comme majorette à ses côtés, à 15 ans, en… 1964 !
Dans l’intimité des femmes
Vous l’aurez compris, Majorettes relève plus du dictionnaire amoureux des membres des Major’s Girls que de la pièce historique sur la Twirling dance et le Twirling bâton. De 39 à 74 ans, les trois générations de femmes qui se côtoient chaque semaine depuis parfois 40 ans en ont à raconter sur ce qui les pousse à se lancer dans des jetés fous, la peur de la chute, les voyages pleins de promesses auprès des reines de la discipline de l’autre côté de l’Atlantique. Mais aussi la fièvre des tournois remportés à l’étranger et des rencontres, ce lien entre majorettes, passion hyper prenante et ciment de vie au milieu du quotidien. Au micro, il est question d’héritage et de transmission avec la toujours souriante Josy, dont la propre fille fait partie du groupe fondé par sa grand-mère. D’autres sont sœurs. Toutes se soutiennent face aux épreuves et appartiennent à une seule et même grande famille des Major’s. Le travail de Mickaël Phelippeau se lit aussi en regard d’une nécessité biographique. Enfant, il fantasmait sur cette pratique de la fille d’amis de ses parents, sans jamais oser alors s’avouer vouloir en devenir une. Sur diverses relectures de Fade To Grey (façon pop, zumba ou fanfare), tube eighties signé Visage, les voilà qui reprennent d’assaut la scène, cette fois revêtues de jaune et de noir, façon Phelippeau. L’artiste complice de La Filature éclate le groupe, diffracte les mouvements, isole pas et cadences pour mieux offrir au regard la personnalité de chacune, les acquis techniques, les prises de risque et les modulations. L’individu formant groupe, le groupe dans chaque individu, portés par une même tendresse pour la nostalgie des formes d’antan (fanfare, costumes scintillants et pas quasi militaire) et l’ardeur pour un art aussi éphémère que subtil pour qui sait, vraiment, le regarder.
À La Filature (Mulhouse) samedi 30 septembre et dimanche 1er octobre
lafilature.org