Métamachines

Puzzle multimédia fondé sur trois textes de Heiner Müller, ce spectacle s’annonce comme un des temps forts du festival Musique Action : plongée au cœur des Müller Machines, entre fragmentation du propos et reconstruction de l’humain.

Théâtre, musique, danse, cirque, vidéo… Müller Machines est un spectacle faisant fi des frontières entre les disciplines, poursuivant le vieux rêve de l’art total « où les choses résonnent les unes avec les autres », selon le metteur en scène et compositeur Wilfried Wendling. Avec pour points de départ trois textes de Heiner Müller, le spectateur est entraîné dans un « processus d’incarnation progressive, de venue au monde du comédien », évidente métaphore de l’humain. À la fin, le relais est passé au public, pour que le mouvement continue. Nocturne (grande didascalie irréalisable, sombre et beckettienne) et Paysage sous surveillance sont dits par une voix off accompagnée de cris indistincts. Le comédien parle uniquement dans Libération de Prométhée : sur scène, un acteur (Denis Lavant, qu’on ne présente plus), une danseuse (Cécile Mont-Reynaud évoluant dans une forêt de fils) et un musicien (Kasper T. Toeplitz balançant un son aux résonances électroniques) donnent vie à un spectacle fondé sur la destruction / reconstruction du matériau artistique, se coulant à la perfection dans l’écriture de Heiner Müller dont le modus operandi est identique. Les différentes dimensions de l’espace et du temps cohabitent, dialoguent, grincent pour que corps et âmes naissent progressivement dans un excitant « mille-feuilles sémantique abstrait et poétique ». Toutes les déchirures de l’Histoire du vingtième siècle sont sur le plateau (guerre des sexes, Hiroshima, affrontement des deux blocs, Shoah…), même si elles ne sont pas formellement verbalisées. Cette machine artistique en perpétuelle mutation tente d’en recoller les morceaux.