Mémoires d’outre-songe

Menée par Laëtitia Pitz, la compagnie Roland furieux met la touche finale à Mevlido appelle Mevlido. Une pièce hybride pour les oreilles, inspirée d’un roman d’Antoine Volodine[1. Songes de Mevlido, Seuil (2007), voir aussi Poly n°135].

Explorer l’univers étrange et inquiétant d’Antoine Volodine, inventeur d’un courant littéraire – le post-exotisme – qu’il peuple de ses hétéronymes, demande du temps. Il y a un an et demi, une première étape de travail de Mevlido appelle Mevlido était donnée dans le cadre du Festival Musique Action[2. Lire Songes post-exotiques dans Poly n°177]. Entre théâtre musical et mondes sonores, la metteuse en scène Laëtitia Pitz et le compositeur et clarinettiste Xavier Charles, nous embarquaient sur les traces de Mevlido, policier chargé d’espionner des révolutionnaires alors même qu’il sympathise avec leur lutte, hanté qu’il est par la mort de sa femme, torturée vingt ans auparavant par des enfants-soldats. Les mondes de Volodine, toujours situés après le désastre (politique, scientifique, idéologique…), sont peuplés de ghettos sordides, de ruines de villes high-tech façon steampunk, de vieilles mendiantes bolcheviques, de réfugiés sous barbituriques et d’oiseaux mutants. Entre images oniriques et rêves éveillés au milieu de l’obscurité d’un réel désespérant, résistent des hommes et des femmes se racontant, à la manière des chamanes, dans une poésie rythmique et répétitive formant une dernière trace d’humanité. Le travail au long cours de la compagnie Roland furieux lui permet aujourd’hui de traverser l’ensemble du roman et de proposer un dispositif immersif au spectateur qui se retrouve encerclé dans une boîte noire par un dispositif sonore. Immersion temporelle et expérience de la durée pour lâcher prise : « Volodine nous fait osciller, comme Mevlido, de la sensation d’être dans le réel à celle d’un cauchemar, d’un temps narratif à des vies antérieures ou un monde parallèle, sans que l’on puisse, jamais, avoir de certitudes », confie la metteuse en scène. « Dès les premières minutes, nous comprenons que nous sommes dans un rêve, mais aussi dans le rêve de quelqu’un rêvant qu’il rêve ! » Poursuivant sa recherche sur l’abstraction du personnage, repoussant les limites de la représentation de la réalité et de l’illusion, l’équipe réalise un incroyable travail sonore avec l’aide de l’Ircam[3. Institut de recherche et coordination acoustique / musique, voir ircam.fr] : création vocale pour une polyphonie du narrateur, souffle des mots et chants, refrains, spirales et récurrences en écho dans un mélange de choses pré-enregistrées et scandées en direct, spatialisation du son encerclant l’espace, expérience de l’étirement par des variations infimes de grandes nappes de clarinettes en direct et pré-enregistrées allant du grondement flamboyant au grouillement inquiétant, multidiffusion plaçant le spectateur dans une enceinte d’enceintes… « Le spectateur est mis en sensations » dans une ambiance qui cisèle l’espace, matrice noire nimbée de structures de fumées différentes auxquelles la création lumières permet de donner corps, volumes et matérialité. « À lui de faire le travail d’imaginer le reste… »

Au CCAM (Vandœuvre-lès-Nancy), du 30 novembre au 3 décembre
http://centremalraux.com

À la BAM (Metz), du 7 au 9 décembre
www.trinitaires-bam.fr –  www.compagnierolandfurieux.fr

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