Mémoire vive

Photo de Christian Brachwitz

À Nancy, le Théâtre de la Manufacture accueille la sixième édition du festival Neue Stücke. Spectacles, rencontres, concerts et expositions sont à découvrir au cours de cette semaine de la dramaturgie allemande.

Quelle était la nature de l’art sous le régime nazi ? Comment les artistes vivaient-ils au cours de cette période sinistre ? Ainsi se questionnent les deux metteurs en scène Hans-Werner Kroesinger et Regine Dura dans Stolpersteine, Théâtre de l’état (13/11). En allant explorer les archives du Badisches Staatstheater Karlsruhe, ils ont étudié et extrait des articles de presse, des documents administratifs, des discours d’époque. À la manière d’une conférence, les comédiens retranscrivent l’Histoire par le biais de vidéos et de surgissements de personnages venus du passé. Cette création doit son nom au travail de l’artiste Gunter Demning qui scelle des pavés dorés marqués du nom des victimes de l’hitlérisme sur les trottoirs des villes européennes, une façon d’ancrer la mémoire dans le quotidien des citoyens.

Photo de Christian Brachwitz

Le souvenir est à l’honneur cette année à Neue Stücke. Le collectif Werkgruppe2 nous plonge avec Gypses, Roma in Europa (14 & 15/11) dans l’histoire des Roms, de leur extermination dans les camps nazis à leur expulsion de la Roumanie pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine. Comédiens et musiciens sont allés interviewer des Roms en France, en Allemagne et en Roumanie. Rythmé par la restitution de leur parole, ce spectacle musical documentaire interroge notre manière de percevoir la plus grande des minorités ethniques d’Europe, son parcours, sa place dans la société face aux stéréotypes et préjugés. L’auteur Édouard Louis, 25 ans, a lui aussi souffert du regard des autres. Il en a fait un roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule mis en scène par Leyla-Claire Rabih (21 & 22/11). Eddy vit dans une petite ville du Nord de la France, il grandit dans une famille où l’amour ne se montre pas et dans une grande précarité. Là-bas, il est presque impossible de transcender le déterminisme social. Les hommes travaillent à l’usine et boivent à longueur de journée tandis que les “femmes adolescentes” s’usent à élever leurs enfants et faire la caisse au supermarché. Le jeune homme endure les insultes du fait de son allure féminine et de sa voix fluette. Comment s’accepter tel que l’on est dans un milieu où l’homosexualité, la différence et les étrangers sont dénoncés ? Cette création retrace l’histoire d’une émancipation, d’une volonté de devenir soi. Les cinq comédiens-narrateurs font vivre ces mots sur un plateau coloré apparaissant comme un jeu de Rubik’s Cube semé d’embûches.

 Au Théâtre de la Manufacture (Nancy), du 13 au 23 novembre

theatre-manufacture.fr 

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