Matière grise contre énergie grise
Les jeunes agences sont bien souvent “mises à l’épreuve” en planchant sur des rénovations de bâtisses, complexes et chronophages. L’équipe de CNB architectes y trouve tout à fait son compte, ayant forgé son identité sur ce créneau, « un enjeu d’avenir ! ».
Transformation en habitation d’un ancien séchoir à tabac. Aménagement d’une maison bas-rhinoise et de sa grange délabrée à Flexbourg. Restructuration d’un appart “faussement cossu” et mal réparti de la Petite-France. Surélévation et extension d’une demeure d’Eckbolsheim… À l’origine de l’agence strasbourgeoise, il y a Guillaume Christmann et Xavier Nachbrand qui sortent de École nationale supérieure d’Architecture de Strasbourg en 2007 avant de participer au collectif artistico-architectural 3RS, inventant d’ingénieuses architectures expérimentales et éphémères édifiées grâce au réemploi de matériaux divers lors de manifestations culturelles comme La Nuit blanche à Metz (2009). Une démarche pragmatique et éco-responsable (l’utilisation du bois, même pour l’isolation) qui marquera la future collaboration de Guillaume et Xavier, rejoints par Matthieu Belhaddad (conducteur des travaux), au sein de CNB architectes. « On évite le plus possible de faire tourner la bétonnière », déclare Guillaume. Fondée en 2012, la SARL, qui compte aujourd’hui six personnes, se spécialise doucement dans la restructuration ou la rénovation énergétique de bâtisses anciennes. Le trio se développe autour de ces activités « par militantisme et par conviction environnementale ». Par éthique, CNB a toujours évité de réaliser des maisons individuelles, sans âme, « placées au milieu d’un terrain avec une pelouse bien tondue autour ». Guillaume et Xavier, d’une seule voix : « Nous sommes contre l’étalement urbain, énergivore au possible, le fait de vider les bourgs pour construire des lotissements gourmands en superficie et favorisant l’éloignement des commerces du centre des villages. »
Du neuf avec du vieux
Utilisation de matériaux simples sans jamais tomber dans l’« ultra-minimalisme japonais où tu n’oses plus poser un magazine de peur de troubler l’ordre », prédilection pour les matières brutes (chape au sol, parquet en bois, peinture mate satinée), préférence pour les ouvertures et perspectives à « l’esprit loft des années 2000, difficile à vivre », mise en valeur d’éléments anciens (un mur en grès laissé à nu chez l’opticien Les Lunettes de Gisèle, une charpente apparente dans une ancienne boucherie de Saint-Louis transformée en habitation)… Si les parti-pris et préoccupations de CNB semblent dans l’air du temps, c’est que l’agence vise l’intemporel, anticipant depuis ses débuts les questions environnementales aujourd’hui omniprésentes et intégrant les problématiques thermiques au démarrage de chacun de ses travaux.
C’est dans les détails que le diable se cache… Pour la boutique strasbourgeoise Les Lunettes de Gisèle, située dans le magnifique bâtiment Art nouveau en briques à l’angle de la rue Brûlée à Strasbourg, CNB a dû faire prototyper et réaliser des fenêtres s’inscrivant parfaitement dans le contexte tout en s’avérant énergiquement performantes. Un véritable défi technique et esthétique relevé avec brio. CNB a dessiné le mobilier, repensé totalement l’espace – d’une grande fluidité –, créé une cimaise permettant d’installer un atelier… pour un programme éminemment cohérent. L’expertise et le savoir-faire reconnus du trio sont mis au service d’un important chantier en cours : la rénovation d’une tour d’habitation de 15 étages et 58 logements à la Meinau : isolation en façade, remise aux normes de la cage d’escalier, de la cave et de la toiture, relooking de la bâtisse, changement de portes et d’interphones… La part la plus laborieuse dans ce projet fût d’« aller au charbon et de fédérer tout le monde, de faire passer nos idées », insiste Xavier. Et Guillaume de poursuivre : « Parfois, on vient nous voir pour une extension, mais au final on soumet une rénovation : avec un budget identique, mieux vaut un 100 m2 optimisé et bien isolé qu’un 140 m2 mal pensé. » Le crédo de CNB : « Plus de matière grise et moins d’énergie grise ! »
15 rue du Vieux-Marché-aux-Vins (Strasbourg) www.cnbarchitectes.fr
Dur dur de se faire un nom, se trouver une place, lorsqu’on débute dans le métier… Il s’avère notamment très difficile pour les jeunes agences d’accéder aux marchés publics, beaucoup moins nombreux ces dernières années, surtout depuis la crise de 2008. CNB a déposé d’innombrables dossiers… restés lettre morte, l’équipe soufrant d’une absence de références dans le domaine. Selon Guillaume Christmann, il y a une vingtaine d’années, les agences fraîchement créées avaient la possibilité de se développer en construisant une école municipale ou un office de tourisme. Les architectes ayant pignon sur rue s’attaquaient à des marchés importants tandis que les petites agences se confrontaient à des bâtisses à leur taille : les choses s’équilibraient et les vaches étaient bien gardées. Aujourd’hui, les collectivités territoriales, ayant moins d’argent, n’envisagent que rarement de grands travaux et confient de préférence leurs chantiers aux agences connues sur la place, avides de commandes, même modestes. Bilan : on donne moins leur chance aux jeunes archis qui n’accèdent pas aux marchés publics. Les JA organisent une table ronde afin de plancher sur cette thématique du délicat Début de carrière d’architecte, avec la participation de CNB architectes, de 120 GR ou encore d’agences allemandes. Au département d’architecture du KIT (Karlsruhe), jeudi 27 octobre (18h30), dans le cadre des Journées de l’Architecture (du 30 septembre au 4 novembre, lire Poly n°191 ou sur www.poly.fr) www.europa-archi.eu