Rétrospective rassemblant une centaine d’œuvres à Offenbourg, Step by Step est une immersion dans les mondes de papier de Marion Eichmann.
Depuis toute petite, le dessin est le quotidien de Marion Eichmann : « J’observe longuement mon environnement avec un amour profond pour le détail. Je peux rester une dizaine d’heures à regarder avec intensité. » Elle note tout, les volumes, les distances, les dimensions, afin de réaliser des compositions minutieuses sursaturées de signes, laissant peu de place aux espaces vides, comme celles faites à New York, fourmillantes de climatiseurs, enseignes et autres lampadaires. Voilà expression vertigineuse de la densité urbaine que l’artiste allemande retravaille en y collant des fragments de papier de toutes les teintes qui génèrent un jeu entre le plan et le relief, le blanc et la couleur. Il ne s’agit pas de la réalité mais d’une vision du réel d’une intense délicatesse, restituant une Big Apple dont l’énergie jaillirait de son essence architecturale même, puisque les hommes en sont presque absents. À l’inverse des œuvres produites à Istanbul où l’artiste restitue la pulsation vitale de la cité d’un trait vif dans des créations d’un doux expressionnisme éclaboussées de couleur. 2 et 3D dansent un extatique ballet, comme dans un livre pop-up, tellement vivant qu’en se concentrant on pourrait presque entendre la musique en sortir.
Un autre volet du travail de Marion Eichmann – « qui dessine avec [s] es ciseaux » – consiste à représenter des objets du quotidien dans une démarche évoquant bien évidemment le pop art, jouant sur la dissonance entre la familiarité du motif et sa traduction en surface et volume : prise électrique, poubelle, Porsche 911 de quelque quatre mètres de long, immense nacelle automotrice, ventilateur… Une salle entière de l’exposition est en outre occupée par une spectaculaire laverie automatique plus vraie que nature. Mais ne nous y trompons pas, rien d’hyperréaliste dans ces œuvres, plutôt une réalité réinterprétée, un au-delà aux subtiles différences avec l’objet ou le lieu représenté. Il en va ainsi de l’ensemble réalisé pendant sa “résidence” au Reichstag entre le printemps 2021 et mars 2022. Le résultat est éblouissant : vues complexes de Berlin depuis le bâtiment, espaces intérieurs et autres détails (alarmes incendie, transpalettes, etc.) composent un tableau fascinant. Le visiteur demeure scotché face à des structures urbaines à la géométrie implacable, rappelant – et pas uniquement dans le traitement chromatique – la rigueur d’un Mondrian, entre équilibre et déséquilibre.
À la Städtische Galerie (Offenbourg) jusqu’au 8 octobre