Manru à l’Opéra national de Lorraine
L’Opéra national de Lorraine crée l’événement avec la première française de Manru de Paderewski, considéré comme le “Carmen polonais”.
Pianiste virtuose, un des plus importants de son temps, compositeur et… homme d’État – il fut le premier chef de gouvernement de la Pologne après la Guerre de 14-18 –, Ignacy Jan Paderewski (1860-1941) est l’auteur d’un unique opéra encore mal connu. Créé en 1901 à Dresde (en allemand, qui sera aussi la langue de cette production), Manru connut un succès fulgurant, avant de tomber dans l’oubli. L’oeuvre « dépeint les relations conflictuelles entre un village des Tatras et des Tziganes victimes de l’intolérance et de la haine. Emportés par la musique, nous sommes pris entre ces deux mondes qui s’affrontent, témoins de l’amour entre Manru et Ulana, qui cherche à s’épanouir et connaît une fin tragique », résume Matthieu Dussouillez, directeur général de l’Opéra national de Lorraine. À la baguette, on retrouve évidemment la directrice musicale de la maison nancéienne, Marta Gardolińska, qui aime faire découvrir au public français, depuis sa nomination en 2021, les chatoiements des compositeurs de son pays : Antoni Szałowski, Witold Lutosławski ou encore Mieczysław Karłowicz. Voilà partition enchanteresse, où les réminiscences du folklore slave croisent un romantisme tsigane comme l’époque aimait le représenter. À la mise en scène se découvre une étoile montante en la personne de Katharina Kastening, qui a choisi de ne pas localiser géographiquement le conflit opposant les deux communautés, l’une sédentaire, l’autre – à laquelle appartient Manru, un homme épris de liberté – allant de ville en ville. Son objectif ? Questionner les stéréotypes et leur naissance. « Qu’est-ce qui nous amène à reproduire des comportements racistes ? Comment naît cette pensée ? », sont des interrogations qui l’obsèdent. Tentant d’éclairer ces oppositions à partir d’une histoire d’amour impossible, Roméo et Juliette à la polonaise tout autant que Carmen, elle met en place une scénographique épousant ce propos, avec « des matériaux dont le contraste exprime la tension latente entre ces deux sociétés : le plexiglas comme symbole du dur et la terre comme symbole du doux, l’industrie versus la nature. C’est l’homme qui est la cause directe de la scission entre ces deux mondes. Le mur qui les sépare est transparent, parce que cette division est, au fond, arbitraire et obsolète. Ces sociétés se regardent sans se voir. Elles pourraient n’être qu’une, mais s’y refusent. »
À l’Opéra national de Lorraine (Nancy) du 9 au 16 mai
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