Association strasbourgeoise participant depuis 2003 à la diffusion du nouveau cirque par l’organisation de résidences artistiques, Les Migrateurs déploient désormais leurs ailes dans le Théâtre de Hautepierre.
La reconnaissance des Arts du cirque est très récente. « Nous souffrons encore de l’image passéiste du cirque de nos parents, avec Monsieur Loyal, nez rouges et tours d’animaux », indique d’emblée Jean-Charles Herrmann, fondateur des Migrateurs en 2003. Bien avant, il militait déjà à la promotion du nouveau cirque à l’Espace Athic d’Obernai, organisant depuis 1995 le festival qui prit, en 2001, le nom de Pisteurs d’Étoiles[1. www.pisteursdetoiles.com/2011/].
En 2003, leur projet de sédentarisation d’un chapiteau ne séduit guère. Jean-charles décide alors de voler de ses propres ailes en créant Les Migrateurs. Le nouveau cirque, bientôt supplanté par le cirque contemporain et son décloisonnement des disciplines a besoin de structuration. L’association s’applique donc à « créer des passerelles entre des structures, de Cernay à Wissembourg, de L’Arsenal de Metz à La Coupole de Saint-Louis en passant par Le Maillon ». Conscient de « l’émergence de nouvelles pratiques, toujours plus tournées vers le mélange de la danse, du cirque, du théâtre, de la musique, des marionnettes », Jean-Charles participe au Projet Jeunes Talents Cirque[2. www.jeunestalentscirque.org] devenant européen à compter de 2008. Ce dispositif permet à de jeunes artistes ne sortant pas des grandes écoles, notamment françaises (Centre national des Arts du Cirque de Châlons en Champagne, École nationale des Arts du Cirque de Rosny-sous-Bois…), d’obtenir une bourse pour un projet, de bénéficier d’un accompagnement en résidence, voire d’être épaulés dans la diffusion du spectacle. Les Migrateurs participeront activement, accueillant nombre de compagnies lauréates dont le public régional a pu voir des présentations d’étapes de création au Maillon grâce au dispositif des Voies Off : Petit Mal, Un Loup pour l’homme ou encore ROOM 100 et deFracto (à découvrir en mai).
Futur pôle
Avec la rénovation du Théâtre de Hautepierre dont la ville de Strasbourg octroie, cette année, 220 jours d’occupation aux Migrateurs, l’association prend de l’ampleur. La municipalité lui demande même de concevoir pour la saison prochaine une réelle programmation, avec, en point de mire, une possible labellisation Pôle national pour les Arts du cirque en 2012. Les 300 000 euros de budget[3. 90 000 € de la Drac, 70 000 € de la Ville, le reste du budget provenant de subventions européennes, régionales et de mécénat] actuels devraient connaître une augmentation plus que substantielle afin de proposer une quinzaine de spectacles, « reflets de la grande diversité de la création circassienne actuelle » sur des courtes durées. « Mais aussi développer des actions culturelles : les jam sessions qui sont des ateliers de pratique (danse contact, improvisation…), les écoles du spectateur initiées avec un collège et un lycée d’Hautepierre… », insiste Jean-Charles. « Il est essentiel de mener des actions variées et régulières vers de nouveauxpublics pour construire le statut de ce théâtre. Nécessaire si on ne veut pas qu’ilrebrûle. »
Face Nord
Au mois d’avril, la Compagnie Un Loup pour l’homme était en résidence à Hautepierre, séjournant dans les appartements jouxtant les bureaux des Migrateurs, installés à la Meinau. Anciens lauréats Jeunes Talents Cirque[4. En 2006 pour le duo Appris par corps, voir Poly n°139], les deux fondateurs Frédéric Arsenault et Alexandre Fray apprécient ces temps de recherche créative. Pour Face Nord, leur prochain spectacle, le duo s’est mué en quatuor avec les arrivées de Mika Lafforgue et Sergi Parés. Après six semaines de « rencontres et d’accumulations techniques » voilà quelques mois, leur résidence à Hautepierre constitue la phase de défrichage.
Dans un espace quadri-frontal – « Pour ne pas montrer un spectacle mais être vus de partout » livre Frédéric –, des chaises symbolisant le futur public tout autour des tatamis de judo jonchant le sol, les quatre jeunes loups effectuent leur « routine du matin », de 10h à 13h. Portés, sauts des voltigeurs Frédéric et Sergi sur les deux porteurs Mika et Alexandre, s’espaçant le plus possible. Travail d’équilibre, de pyramides improbables à 2 puis 3, saltos à la clef. Le quatrième assure le voltigeur et livre le feed-back. Tout est ludique, toujours. Le jeu et la création d’après des règles font partie intégrante de leur processus de création et de constitution du groupe. « Nous souffrons de ne pas nous toucher pendant les phases de pauses. C’est important de créer quelque chose entre nous », insiste Alexandre. Et de poursuivre : « Nous travaillons sur les attitudes, sans cacher les difficultés pour montrer la partie immergée de l’iceberg. Nous questionnons ce qu’est l’acrobatie, montrant que, plus que l’aboutissement final, c’est le chemin pour y arriver qui compte. » Créer des épreuves pour obtenir des situations de liberté du corps par la contrainte, explorer physiquement la limite sans être « des circassiens super héros pour qui tout semble facile ! Nous préférons montrer la sensibilité de la faille… » Et de 15h à 18h, ils remettent ça…
