L’empreinte des géants
Reconnu dans le monde entier pour ses sculptures colossales, l’artiste sénégalais Ousmane Sow entretient depuis vingt ans un lien privilégié avec Besançon, qui lui consacre une impressionnante rétrospective.
En 1999, trois millions de personnes découvraient à Paris, sur le Pont des Arts, les œuvres hallucinantes d’Ousmane Sow. Dix ans après sa première exposition dans son pays natal, l’artiste (né en 1935) obtenait alors, de façon magistrale, la reconnaissance du grand public. Fasciné par la sculpture depuis sa tendre enfance, il choisit de quitter le Sénégal à la mort de son père, pour tenter sa chance à Paris. Faute de moyens, il ne réalisera pas son rêve d’entrer aux Beaux-Arts, mais exercera pendant vingt ans le métier de kinésithérapeute, activité qui n’est sans doute pas étrangère au sens de l’anatomie que révèle son œuvre. Durant ces années, il élabore surtout une matière tenue secrète qui deviendra sa marque de fabrique : une mixture faite de terre et de minéraux mélangés à divers produits qui macèrent très longtemps, qu’il modèle sur des squelettes de fer, de paille et de toile de jute.
À l’âge de cinquante ans, Ousmane Sow décide enfin de se consacrer entièrement à son art. Au cœur de son œuvre, il y a d’abord l’homme. Un homme plus grand que nature, animé d’un souffle épique et d’une vérité qui n’a rien à voir avec le réalisme. Le créateur sculpte l’âme autant que le corps. Travaillant par séries, il s’intéresse aux ethnies d’Afrique : avec leur matière organique, ses lutteurs noubas du Soudan semblent surgis directement de la terre. Irradiant une puissance chtonienne, ils sont ensuite humanisés par les doigts de l’artiste. D’autres séries, d’autres peuples suivront : Masaïs, Zoulous, Peuls, mais aussi Indiens d’Amérique. Fil rouge de l’exposition bisontine, ces pièces monumentales prennent leurs quartiers d’été à la Citadelle, tandis que le Musée des Beaux-Arts accueille la version miniature et en bronze de la série Nouba. Le Hangar aux Manœuvres abrite aussi la première partie d’une série intitulée Merci, dédiée aux “grands hommes” qui ont aidé l’artiste à ne pas désespérer du genre humain : le général De Gaulle et Nelson Mandela pour commencer, mais également Mère Teresa, Mohamed Ali, Martin Luther King, Gandhi ou encore son propre père. « C’est mon rêve que j’essaie de traduire », explique-t-il. Si Victor Hugo ne complète pas la série, c’est que sa statue en bronze est déjà installée depuis 2003 devant la mairie de Besançon. L’amitié entre Ousmane Sow et la capitale franc-comtoise est née dès sa première exposition à la galerie d’art contemporain de l’Hôtel-de-Ville (1994) et son empreinte se retrouvera encore dans le nouveau Monument aux Morts, bientôt réinstallé dans le parc des Glacis, avec L’Homme et l’enfant, hommage bouleversant à des hommes et des femmes qui, au péril de leur vie, ont sauvé d’autres humains.
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