Filiations contemporaines : Ligeti, Unsuk Chin et Schönberg par l’Orchestre philarmonique de Strasbourg
Sous la baguette de son directeur musical Aziz Shokhakimov, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg convie à une escapade où Ligeti tutoie son élève Unsuk Chin et Schönberg, l’un de ses maîtres.
Page sixties de György Ligeti, Lontano reflète son intérêt pour Johannes Ockeghem, musicien flamand du XVe siècle dont les polyphonies irriguent une partie de sa production, que ce soit le célébrissime Lux aeterna – Stanley Kubrick s’en servit pour 2001, l’Odyssée de l’Espace – ou les Drei Phantasien nach Friedrich Hölderlin. En témoigne l’utilisation massive du canon « afin d’établir une unité entre le successif et le simultané. Je pense toujours en voix, en couches, et je construis mes espaces sonores comme des textures, comme les fils d’une toile d’araignée, la toile étant la totalité et le fil l’élément de base. Le canon offre la possibilité de composer une toile de fils mélodiques selon des règles assez bien définies », expliqua le compositeur hongrois. Œuvre atmosphérique aux exaltantes séductions, Lontano hésite entre quiétude et fracas : sa texture souvent voilée d’où émergent des fulgurances éclatantes de lumière fut comparée par son auteur à une toile d’Albrecht Altdorfer, La Bataille d’Alexandre (1529), où « les nuages – ces nuages bleus – se déchirent ; derrière, il y a le rayon lumineux doré du soleil couchant, qui transparaît au travers ».
Donné en création française par Jérôme Comte (en photo), spécialiste du répertoire contemporain, le Concerto pour clarinette d’Unsuk Chin permet, lui, de découvrir l’art d’une des grandes compositrices de notre temps : élève de Ligeti, la Coréenne, rencontrée au cours de l’édition 2007 du festival Musica qui lui consacrait un portrait, nous affirmait alors : « La musique suit ses propres lois et n’est pas réductible à des concepts, des théories ou des interprétations extra-musicales. Sa logique est proche de celle du rêve, comme dans Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll qui a servi de fondement à mon premier opéra. » Dans cette partition ultra-virtuose de 2014, le soliste interagit élégamment avec l’ensemble qui se transforme en un « super instrument virtuel. Mon enthousiasme pour la clarinette provient de son large éventail de nuances dynamiques, de la diversité de ses possibilités expressives et de son énorme maniabilité », résume-t-elle. La soirée s’achève avec une pièce de Schönberg, dont on connaît l’importance dans le parcours de Ligeti puisqu’il en « apprit une nouvelle conception du temps musical, la possibilité d’une musique formellement statique », écrit le musicologue Simon Gallot. Sera programmé son orchestration du Quatuor pour piano et cordes n°1 de Brahms, instant explosif et génial qui vient conclure les débats de la plus belle des manières.
Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg) jeudi 3 février
! Attention le programme annoncé dans cet article a largement évolué entre-temps, plus d’informations sur:
philharmonique.strasbourg.eu !