Liberté, liberté chérie

Croquis des costumes par Giovanna Fiorentini

À l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, Paul-Émile Fourny monte Fidelio, transportant l’unique opéra de Beethoven dans un univers sombre et intemporel.

Dans Fidelio, l’histoire des protagonistes – marquant le triomphe de l’amour conjugal – s’efface devant l’aspect philosophique pétri des idéaux des Lumières, symbolisé par une phrase de Leonore se rendant au cachot : « Wer du auch seist, ich will dich retten » (Qui que tu sois, je veux te sauver). C’est « ce rapport à la liberté comme un absolu » qui a intéressé Paul-Émile Fourny dans sa mise en scène, puisqu’il est « aujourd’hui encore d’une brûlante actualité. Notre époque est malheureusement toujours celle de la violation des Droits de l’Homme et des régimes totalitaires » Il importe alors de se souvenir que le maître de Bonn peut-être considéré comme le barde de la liberté. Il souhaitait originellement intituler sa Symphonie n°3 “Bonaparte” avant d’opter pour “Eroica”. Au début du XIXe siècle, Napoléon apparaissait en effet comme l’homme providentiel, le continuateur de la Révolution, le sauveur de l’Europe… mais les illusions se dissipèrent peu à peu, à mesure que le pouvoir personnel du Consul s’accroissait. L’espoir vécut, les rêves de gloire se brisèrent : le libérateur laissa place au despote. Pour le compositeur, ce militaire, qu’il considérait comme un héros s’est transformé en dictateur le 2 décembre 1804, jour de son sacre. Furieux, il aurait déclaré : « Ce n’est donc rien de plus qu’un homme ordinaire ! Maintenant il va fouler aux pieds tous les droits humains, il n’obéira plus qu’à son ambition ; il voudra s’élever au-dessus de tous les autres, il deviendra un tyran ! » Avec les vidéos installées dans la production messine, on voit ainsi apparaître obsessionnellement à l’Acte II le célèbre tableau d’Antoine-Jean Gros représentant le futur Empereur au Pont d’Arcole…

Le directeur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole a par ailleurs choisi de « délocaliser dans une ville inconnue, à une époque indéterminée », une action se déroulant à Séville, au XVIIe siècle, portée par un casting de choix : Leonore est incarnée par Deirdre Angenent (qu’on avait appréciée dans le rôle de la Mère dans Hänsel und Gretel d’Humperdinck à Nancy, en 2017) et Florestan par Kristian Benedikt. Sur le plateau, l’histoire se déploie dans des atmosphères sombres et oppressantes : un amas de poupées à demi calcinées – jolie métaphore de la violence des dictatures – répond à des vidéos d’un géométrisme parfois étouffant, dans un dispositif scénique à l’avenant… qui rappelle curieusement celui de Giovanna d’Arco (octobre 2010). Il est vrai que « dans un souci de durabilité, nous avions conçu les deux productions ensemble, les décors de l’une devant resservir pour l’autre », explique Paul-Émile Fourny.


À l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, du 4 au 8 juin
opera.metzmetropole.fr

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