Les troubles de la ligne claire
À la découverte de Joost Swarte, dessinateur néerlandais qui utilise l’esthétique de la ligne claire, le poussant à un degré rarement atteint de perfection formelle, pour raconter des histoires délirantes et décapantes.
En 1977, à l’occasion d’une exposition sur Tintin à Rotterdam, le dessinateur Joost Swarte forgeait l’expression “ligne claire” pour désigner le style graphique et narratif dont Hergé fut le phare. Le créateur du reporter à la houppette fit école, entraînant dans son sillage Willy Vandersteen, Jacques Martin ou encore Edgar P. Jacobs. Aujourd’hui, après la disparition précoce d’Yves Chaland (en 1990), ses représentants les plus éminents – et les plus turbulents – se nomment Ever Meulen, Ted benoît, Serge Clerc ou Theo van den Boogaard, père du trop méconnu – et ultra-subversif – Léon-la-Terreur. Chez Swarte, qui est aussi scénographe du Musée dédié à Hergé à Louvain-la-Neuve, les références à Tintin sont omniprésentes, les clins d’œil se font discrets ou (très) appuyés, mais, toujours, la limpidité old school du trait est mise au service d’un humour glacé, décalé et, bien souvent, très incorrect. C’est le créateur de Maus, Art Spiegelman qui décrit le mieux l’art délirant du Batave : « Joost Swarte allie une intelligence visuelle raffinée à un réel sens de l’humour et du récit. Il se livre à des expériences dans le cadre d’une tradition, cherchant des solutions à la fois audacieuses et simples ».
Tout cela est profondément insolent, plein d’absurdité, de scènes de cul rigolotes, de recherches typographiques hardies, inspirées du mouvement De Stijl ou du Futurisme et de personnages tonitruants comme Jojo de Pojo, face obscure de Tintin (que l’on imaginerait pas, à quatre pattes, lécher le sexe d’une fille gironde) ou le sidérant Anton Makassar. Dans ce recueil de quelque 150 pages fait d’histoires complètes, le lecteur découvre la créativité débridée et le talent insensé d’un auteur qui ne possède sans doute pas la reconnaissance qu’il mérite en France et « qui a rendu le monde meilleur depuis qu’il l’a délicatement altéré » selon Chris Ware qui signe la préface de cette indispensable anthologie.
www.denoel.fr
www.joostswarte.com
Exposition des dessins de Joost Swarte à la Galerie Martel (17, rue Martel , 75010 Paris) jusqu’au 5 mai www.galeriemartel.com