Les Scènes sauvages, la 6e édition

© Pierre Rich

La sixième édition des Scènes sauvages prend ses quartiers habituels au cœur de la vallée de la Bruche avant, peut-être, un nouveau chapitre de cette aventure théâtrale.

On ne pourra pas dire qu’ils n’étaient pas en avance. La joyeuse bande d’élèves qui, en 2011, en sortant du Théâtre national de Strasbourg se lançait sur les petites routes et les canaux avec des spectacles itinérants, à la rencontre de publics éloignés des lieux habituels de monstration. Puis vint le temps de l’implantation dans une vallée s’enfonçant dans les Vosges, celle de la Bruche avec un camp de base à Waldersbach où toute l’équipe s’installe pour quelques semaines, travaillant avec des amateurs du coin. De quoi attendre la concertation sur la culture en milieu rural voulue par Rachida Dati, de pied ferme, même si « la mise à mal de la diversité » entraînée par la « baisse des dotations pour la création » n’augure rien de bon. Charles Zévaco témoigne d’ailleurs « de la manière dont ce travail avec des gens non formatés au théâtre est bénéfique et intéressant. Ce qu’ils nous amènent est précieux. » Parmi les pièces accueillies cette année, H.S. (10/06, Salle des fêtes, Muhlbach-sur-Bruche, dès 5 ans), est un très joyeux spectacle pour trois agents d’entretien et un aspirateur signé Juliette Steiner. Ou comment réinventer le monde à partir de jeux sur le son et s’émanciper par la création grâce à… presque rien (un paquet de chips, de l’eau… et pas mal d’humour). Le trio Éléonor Auzou-Connes, Emma Liégeois et Romain Pageard s’est formé à l’interprétation d’une pièce culte de Thierry de Mey, Musiques de Tables (28/06, Foyer Protestant, Rothau). De cette partition de sept minutes pour trois percussionnistes installés devant des tables sonorisées, ils ont inventé une pièce dans laquelle ils confrontent leurs styles et jouent à entrecroiser leurs membres pour devenir un étrange personnage à six bras oscillant entre virtuosité et art du pas de côté.


La grande création du festival est signée Charles Zévaco qui s’empare du Cercle de craie caucasien de Brecht (26-29/06). Le dramaturge allemand expose, dans cette pièce de 1945, l’utopie d’une abolition des classes et du partage des ressources. Avec son théâtre dans le théâtre, se déploie une fable « aux temps sanglants de Géorgie », guerre qui ne peut que rappeler celle d’Ukraine. « Brecht nous met au combat avec l’intérêt pour l’utopie qu’il propose et le dévoiement qu’elle connaîtra durant la seconde moitié du XXe siècle. Car jouer cela aujourd’hui, c’est interroger les ressorts d’une fascination pour le progrès et l’invitation à trouver les ressorts pour mobiliser les gens capables de faire une différence, sans rien renier des atrocités que le communisme a entraîné. » 11 jours de répétitions pour 16 comédiens, dont 10 amateurs et des apparitions pour les techniciens. Dans le Foyer Protestant désaffecté de Rothau, le metteur en scène invente un futur dystopique qui rejouerait notre présent, avec toiles peintes et travail du masque cagoule, façon Benno Besson ou Pussy Riot !


Dans la vallée de la Bruche du 10 au 30 juin
les-scenes-sauvages.com

> Table ronde autour des spécificités de la vie culturelle dans les territoires ruraux et des enjeux d’une politique publique de développement artistique, à Rothau, 22/06 (15h)

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