Les partitions qui venaient du froid
Du Danemark à la Finlande, via la Pologne, c’est un voyage en terres glacées que proposent le chef Leif Segerstam, le violoncelliste Nicolas Altstaedt et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.
En incipit de la partition de son ouverture Helios, Carl Nielsen inscrivit : « Silence et obscurité / Le soleil se lève dans un joyeux chant de prière / Il suit sa course dorée / et plonge tranquillement dans la mer. » Écrite en Grèce, cette pièce orchestrale du compositeur danois ouvre le concert, étrange mélange entre impressions égéennes et réminiscences hyperboréennes, où l’on perçoit la fascination de l’homme du Nord pour les terres du Sud. Après ce soleil d’hiver, se déploie le Concerto pour violoncelle de Mieczysław Weinberg, compositeur polonais qui réussit à gagner l’Union soviétique alors que sa famille était exterminée par les nazis : incarcéré par Staline à l’époque du complot des blouses blanches, ce créateur prolifique – plus de 500 pièces – reste néanmoins aux marges du corpus habituellement joué par les orchestres. Souvent imprégnées du folklore juif, ses musiques évoquant parfois celles de Bartók ou de son ami Chostakovitch n’ont en effet connu la célébrité qu’à travers des BO de films comme Quand passent les cigognes. Et pourtant… Il suffit d’écouter son Concerto pour violoncelle – ici interprété par l’extraordinaire Nicolas Altstaedt qui vient de l’enregistrer de fort belle manière – pour se rendre compte de l’inventivité d’une partition oscillant entre élans slaves et souvenirs klezmer.
Physique de Père Noël avec son immense barbe blanche et ses yeux remplis d’étoiles, le chef finlandais Leif Segerstam sera au pupitre de l’OPS pour cette soirée : c’est un des spécialistes de l’œuvre de son compatriote Jean Sibelius – dont il a gravé plusieurs intégrales symphoniques – qui donnera sa Symphonie n°5 dans le style bouillonnant et précis qui le caractérise. Page lyrique et apaisée, elle mêle de singulière manière un altier dépouillement à une immense sensualité faisant de ses trois mouvements un puissant appel vers le Nord et prouvant que son auteur est le plus grand symphoniste du XXe siècle.