Les Indes charmantes
Coproduction entre les opéras de Bonn et de Metz, cette mise en scène de Lakmé entraine le spectateur dans un univers orientalisant, rendu avec une impeccable grâce par Paul-Émile Fourny, qui évite tous les écueils du genre, le kitsch en tête.
« Pour capter l’attention d’un public contemporain, j’ai décidé de couper les dialogues et les récitatifs » prévient d’emblée le metteur en scène Paul-Émile Fourny qui “ampute” ainsi Lakmé (1883) d’une bonne heure. Le directeur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole justifie un choix « permettant aussi de se concentrer sur une musique magnifique qui ne se limite pas au célébrissime Air des clochettes. » Option finalement gagnante puisqu’elle permet à l’œuvre de Léo Delibes de déployer ses charmes exotiques – et un peu désuets – en laissant de côté les scories d’instants parlés, parfois kitsch, qui ne font que souligner et alourdir le propos. L’histoire, adaptée d’une nouvelle de Pierre Loti (Rarahu devenue Le Mariage de Loti, qui prend Tahiti pour cadre) se déroule aux dix-neuvième siècle, en Inde sous domination britannique : c’est celle des amours impossibles d’une jeune hindoue, fille d’un brahmane, et d’un officier de sa gracieuse majesté. Fable orientalisante à l’image des Pêcheurs de perles de Bizet (1863) ou de L’Africaine de Meyerbeer (1865), Lakmé est aussi une réflexion « très actuelle » sur le choc des cultures et l’intolérance religieuse.
La mise en scène est d’un classicisme de bon aloi : d’immenses claustras en mouvement permanent rythment l’espace et l’action. Pour Paul-Émile Fourny, elles « marquent, à la fois, la transparence et l’impossibilité d’accéder à l’autre, une dualité placée au cœur de l’opéra qui correspond à la société où évolue Lakmé – avec le système de castes – et aux relations entre les Hindous et les Britanniques ». Les costumes sont d’une belle élégance : uniformes blancs et saris colorés – mais pas trop, ce n’est pas Bollywood, tout de même – évoluent avec douceur dans le délicat tintinnabulement d’une musique au puissant et charmant exotisme. Dans cette partition éminemment française, la troupe du Theater Bonn livre une prestation de belle tenue – mention spéciale à Miriam Clark, impeccable dans les difficultés du rôle-titre – même si, bien souvent, la prononciation demeure approximative et peu audible. Pas de quoi gâcher néanmoins le plaisir de la redécouverte d’une œuvre trop rarement donnée dans les salles hexagonales.
À Metz, à l’Opéra-Théâtre, à l’automne 2013 dans le cadre de la biennale En Terre romantique
+ 49 228 773 668 – www.theater-bonn.de
03 87 15 60 51 – http://opera.metzmetropole.fr