Les films de ma vie

Le festival de ciné belfortain EntreVues propose une compétition et une rétrospective en plusieurs volets. Afin de découvrir sa programmation tout en faisant connaissance avec sa nouvelle directrice artistique, soumettons quelques titres de films à Lili Hinstin.

Le Zombie de Lili Hinstin (2007), non présenté durant EntreVues

C’est mon documentaire. Je me suis penchée sur un personnage très mystérieux de ma famille, auréolé d’une sorte de légende : mon grand-père, mort à Kaboul dans les années 1960 que je n’ai jamais connu. Arrêté en tant que chef d’un réseau de résistants, il était un rescapé des camps de concentration. Avant, j’avais déjà réalisé quelques films en Super 8… Je suis passionnée de cinéma depuis longtemps et j’ai eu la chance d’avoir la meilleure formation possible en voyant toute l’histoire du ciné, sur grand écran et en VO, à Paris. Avec des amis étudiants, nous avons lancé une revue et j’ai créé une société, Les Films du saut du tigre (pour produire des premières œuvres). Aucun rapport avec les films de kung-fu : il s’agit d’un concept de Walter Benjamin qui dit qu’on ne peut pas révolutionner quelque chose sans connaître l’histoire de cette chose. Je conçois EntreVues de la même manière : le festival doit montrer les évolutions du cinéma tout en en dévoilant les différents cheminements.

http://www.youtube.com/watch?v=a9cm_2EFzZc

Y’aura t’il de la neige à Noël ? de Sandrine Veysset, Grand Prix Janine Bazin du festival EntreVues en 1996

C’est drôle que vous ayez choisi ce film qui a fortement marqué mon parcours cinéphilique ! Il m’a énormément touché grâce à son intelligence, sa générosité et son âpreté bouleversante. Est-ce que le fait d’être primé au festival peut permettre à un film de rencontrer un large succès public ? Non, ça fonctionne avec Cannes car la Palme d’or a un effet prescripteur, même pour un film difficile comme Oncle Boonmee, mais pas avec EntreVues… De toute façon, un film ne fera jamais l’unanimité : il suffit de voir ce qu’il se passe avec La vie d’Adèle. Ça n’est pas parce que les gens vont voir un film qu’ils vont l’apprécier.

Ponette de Jacques Doillon (1996), présenté cette année dans le cadre d’une rétrospective de ses films

J’avais 19 ans et étais stagiaire sur le tournage ! J’ai pu voir comment Doillon travaillait avec des enfants de quatre ans. Ils restaient très sérieux, avec une implication hors du commun. La petite fille qui joue Ponette a obtenu le prix de la Meilleure interprétation à Venise, preuve que Doillon est LE cinéaste de la direction d’acteurs. Durant le festival, nous pourrons le rencontrer et découvrir ses films. EntreVues sera aussi l’occasion de voir Jouer Ponette de Jeanne Crépeau, qui montre comment le cinéaste travaille, et de discuter avec des gens qui ont fabriqué ses films, comme Caroline Champetier, directrice photo qui a aussi collaboré avec Xavier Beauvois, Godard, Téchiné, Rivette… Elle a accompagné la modernité du cinéma français depuis les années 1970.

La Ruée vers l’or de Charles Chaplin (1925), présenté cette année dans le cadre de la rétrospective La Commedia des ratés

J’étais aussi sur le tournage (rires) ! La Commedia des ratés rassemble des comédies – le genre transgressif par excellence – dont les protagonistes sont des antis-héros. Nous partons de la figure de Charlot : c’est incroyable, mais à un moment, un des personnages les plus connus au monde est ce clochard qui se fait poursuivre sans cesse par la Police et ramasse les mégots des autres… Il n’est ni Superman, ni Bruce Willis, mais il résiste ! Le cinéma muet c’est le rêve de Babel réalisé, c’est une langue que tout le monde peut comprendre. Voilà aussi pourquoi Charlot a eu un tel rayonnement en Afrique, en Inde… Partout !

L’Image manquante de Rithy Panh (2013, présenté cette année dans le cadre de la rétrospective Cinéma et Histoire)

En 2013, deux films, diffusés lors d’EntreVues, abordent le thème de l’irreprésentable au cinéma : Rithy Panh avec L’Image manquante et Claude Lanzmann avec Le Dernier des injustes. Les deux cinéastes ont dû affronter le manque d’images du fait historique exploré : la vie dans un camp Khmer rouge pour Rithy Panh et dans le camp de Theresienstadt, dit “la ville donnée par Hitler aux Juifs”, pour Claude Lanzmann. Le premier a notamment recréé des figurines en terre pour raconter cette tragédie. Le second s’est servi d’images de propagande, qui travestissent la réalité en faisant passer Theresienstadt pour une bourgade tranquille de province. Il les utilise mais en inscrivant “Mise en scène nazie”.

http://www.youtube.com/watch?v=JzbAKmErlpo

Invasion Los Angeles de John Carpenter (1988), présenté cette année dans le cadre d’une carte blanche au cinéaste

Carpenter nous a proposé une programmation en double feature, comme dans les drive-in des années 1950 aux États-Unis, avec deux films par soirée. À chacun de ses films, est associé un long métrage qui l’a inspiré. Ça me semblait assez inattendu, mais comme pendant à Invasion Los Angeles, Carpenter a choisi Les Raisins de la colère de John Ford (1939). En y réfléchissant, ces deux films montrent des personnages qui voient une réalité sociale ou économique et sont saisis d’une urgence d’ouvrir les yeux aux autres. Toute notre programmation a des résonnances politiques très fortes.

À Belfort, au Cinéma Pathé et à La Poudrière, du 30 novembre au 8 décembre

03 84 90 40 40

www.festival-entrevues.com

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