Le vert de Lalique

Un bijou de pierre, d’acier et de verre dans un bel écrin naturel. Le musée Lalique conçu par l’agence de Jean-Michel Wilmotte se fond presque dans le décor. Visite guidée.

Du vert, du vert, encore du vert… À Wingen-sur-Moder, au beau milieu du Parc naturel des Vosges du Nord, le paysage est verdoyant en ce printemps, quelques semaines à peine avant l’inauguration du musée dédié à René Lalique. L’échéance arrivant à grands pas, les jardiniers et ouvriers, le personnel du futur établissement et son architecte – notre guide – s’agitent dans tous les sens. Placé à l’extrémité du village, le bâtiment est un beau trait d’union, « un dégradé, par étapes », entre l’espace urbain et la forêt qui se déploie au loin. Semi-enterrée, recouverte d’un toit végétalisé, on ne découvre sa face Ouest qu’en faisant le tour de l’ensemble, côté vallée. Henrik Siebenpfeiffer, architecte de l’Agence Wilmotte*, à propos de ce lieu dédié à celui qui s’inspira beaucoup de la flore : « Le site nous a tout de suite impressionné. Il fallait que nous fassions un bâtiment qui joue avec la nature. »

Il déplie un immense plan à même le sol pour appuyer ses propos. Le musée se compose de deux principales parties. La friche de la verrerie du Hochberg (en activité jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle) fraîchement restaurée et un “rajout” architectural (Henrik Siebenpfeiffer n’aime pas le mot “greffe”) à l’Ouest, abritant la grande salle d’exposition permanente. L’agence, qui a notamment restructuré l’intérieur du château de Mery-sur-Oise (1999) ou aménagé la place de la Libération à Dijon (2006), aime particulièrement dialoguer avec le passé et « s’intégrer dans des bâtiments existants ».

Après avoir traversé le parvis géométrisé, très minéral, nous entrons, par une sorte de vestibule de verre, et accédons à la banque d’accueil, la boutique et le vestiaire en stratifié noir. Au-dessus de nos têtes : un grand lustre de presque deux tonnes, restauré avec l’aide d’un « retraité de Lalique », insiste l’architecte qui a travaillé main dans la main avec de nombreuses « entreprises locales sur ce musée de région ».


Autour de la salle d’expo temporaire de 200 m2, se déroule un vaste jardin intérieur, « calme comme un cloître ». Dans ce patio, « la nature est très contrôlée », avec des motifs « presque japonisants » en marbre concassé jonchant le sol, inspirés par les objets de René Lalique, et des plantes ayant servi de modèle au bijoutier. Nous accédons à « la boîte détachée », la partie contemporaine, par la galerie Sud qui longe le jardin, jouissant du panorama à travers les baies vitrées. Nous en profiterons aussi pour nous arrêter sur la façade de la salle d’exposition permanente, couverte de pierre clivée, fendue dans le sens naturel de ses couches, et flammée, technique qui rend la matière rugueuse. Cette pierre italienne aux reflets verts fait un poétique clin d’œil à la fabrication du cristal où « on aspire presque la couleur verte du verre. Nous, c’est comme si on avait pris ce surplus de vert pour le mettre sur les murs. »

L’agence de Jean-Michel Wilmotte, qui réalisa l’aménagement muséographique du Rijksmuseum à Amsterdam (en 2009) ou encore de plusieurs salles du musée d’Orsay (en cours), s’est également chargée de la muséo de la salle d’exposition. Celle-ci s’organise en divers espaces, des volumes cubiques définis par les vitrines en métal laqué noir et sablé, ne cachant pas les « détails mécaniques ». Le choix de cette agence pointilleuse, connue pour son sens de la sobriété et de la finition, s’est porté sur l’acier, matériau « costaud » travaillé de manière « faussement brute ». Ceci permet de mettre en valeur, par contraste, la préciosité des objets et de restituer l’esprit des ateliers, couleur cendre, où ont été conçus les bijoux Art nouveau, coupes, flacons et autres créations estampillées R. Lalique. Du verre, du verre, encore du verre…

* L’agence Wilmotte, qui travaille avec une trentaine d’entreprises, s’est associée aux architectes Chiodetti et Crupi de Colmar, aux scénographes de Ducks Scéno et aux paysagistes Neveux et Royer

Musée Lalique, rue du Hochberg à Wingen-sur-Moder

03 88 89 08 14 – www.musee-lalique.com

 

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