Le terroir réinventé
Olivier Nasti est aujourd’hui un des cuisiniers les plus inventifs de sa génération. Un tour dans son établissement de Kaysersberg, Le Chambard, permet de le vérifier. On en ressort les sens agréablement chamboulés.
La tradition revisitée : voilà comment nombre de cuisiniers décrivent leur credo. Malheureusement, sous les mots, se dissimule, bien trop souvent, une réalité fade et sans surprises. Pas chez Olivier Nasti à qui l’on doit notamment, depuis 2006, une réinterprétation décapante de la tarte flambée (avec les restaurants Flamme & Co à Kaysersberg et Strasbourg). Mais les créations les plus débridées de cet « Alsacien d’adoption » sont à découvrir au Chambard, un Macaron au Guide Michelin depuis 2005. Au cours des années et au fil de ses premières expériences avec Jean Schillinger (Colmar), Olivier Roellinger (Cancale) ou la famille Haeberlin (Illhaeusern), puis à la tête des cuisines du Caveau d’Eguisheim (entre 1993 et 2000), il s’est toujours interrogé sur la notion de terroir. L’Alsace ? Il en est « tombé amoureux » et ne cesse de questionner ses plats et ses produits emblématiques dans un exigeant processus de déconstruction / reconstruction visant à en sublimer les saveurs, comme dans le Baeckeoffe de foie gras chaud au lard avec ses légumes. Une base venue du fond des âges alliée à un traitement – visuel et gustatif – ultra contemporain : voilà la recette de celui qui a obtenu le très prestigieux titre de Meilleur Ouvrier de France en 2007 et qui travaille main dans la main avec son frère Emmanuel, sommelier de haute volée.
« Mon métier consiste aussi à connaître les fournisseurs, à savoir comment, par exemple, les escargots que j’achète sont nourris, à choisir, chaque fois, le meilleur pour mettre le produit en valeur » dans une carte qui change très régulièrement, au rythme des saisons et des arrivages. Preuve avec une hallucinante variation sur la betterave (récoltée dans le propre potager du chef, à Colmar) accompagnée de ravioles d’oignons rouges et d’une émulsion à la truffe. Plusieurs jours après, les souvenirs gustatifs demeurent précis, acérés comme le sont les inventions d’Olivier Nasti qui utilise les procédés les plus pointus de la cuisine moléculaire… Si l’azote liquide n’a plus de secrets pour lui, par exemple, il s’en sert uniquement aux fourneaux, refusant les effets trop faciles d’une « cuisine spectacle. L’important est que la technique ne se voit pas. » Mission accomplie…
03 89 47 10 17 – www.lechambard.fr Lire également Mon Alsace, paru chez Menu Fretin en 2009 et sous-titré Fragments d’un territoire culinaire – www.menufretin.fr