Le mort qui tue

Une des réussites de ce début d’année, La Colère de Fantômas est une libre adaptation en BD de l’œuvre littéraire de Souvestre et Allain, restituant la dimension maléfique du personnage central de la saga. Éblouissant.

Aujourd’hui, la « mémoire de Fantômas est moribonde », constate le scénariste Olivier Bocquet. Que reste-t-il en effet de ce « premier terroriste de l’ère moderne qui mit l’Europe à feu et à sang » dans les 32 romans de la saga littéraire de Pierre Souvestre et Marcel Allain ? Une simple image gnangnan aux accents comiques et au masque bleu popularisée par les films des années 1960 (avec Jean Marais et Louis de Funès)… C’est pour redonner au personnage sa force originelle, pour s’approcher au plus près de cette étonnante « Énéide des temps modernes » – l’expression est de Blaise Cendrars – que l’auteur a imaginé une série prévue en trois tomes. Premier opus de l’épopée, Les Bois de justice (une métaphore pour désigner la guillotine) pose les fondamentaux : Fantômas est un génie du Mal, le maître du crime et de l’effroi, un type horrible, diaboliquement intelligent, devant lequel la société va trembler de peur au début des années 1910. La Belle époque, vraiment ? Le livre s’ouvre avec l’exécution de notre “héros” devant le fameux commissaire Juve et le journaliste Fandor qui ont contribué à sa capture. Mort, Fantômas ? Allons donc… Si le découpage de l’histoire épouse l’esprit de la série originale avec brio, la force de cette libre adaptation est dans les dessins de Julie Rocheleau, très éloignés de toute reconstitution historique pâteuse : la couleur est libérée et vivifiée (noirs, rouges et oranges éclatent avec bonheur), le pinceau, ductile en diable, donne une touche expressionniste au récit, plongeant le lecteur dans une atmosphère crépusculaire, poétique et inquiétante à la fois.

Les Bois de justice, premier volume de La Colère de Fantômas est paru chez Dargaud (13,99 €)
www.dargaud.com

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