Le frisson selon waltz
La célèbre chorégraphe Sasha Waltz, originaire de Karlsruhe, présente sa dernière création à l’Opéra de Dijon. Kreatur, visions de dominations féroces, là où le dévouement devient violence.
Tout est parti d’un dessin, d’une intuition. Un corps transpercé de flèches que Sasha Waltz confie à Iris van Harpen, créatrice de mode néerlandaise connue pour ses matières novatrices et ses impressions 3D de formes organiques dont l’audace a tapé dans l’œil de Benjamin Millepied, Björk, Lady Gaga ou encore Beyoncé. La designeuse imagine des enveloppes de fils de fer, prenant les atours de nuages semi opaques, sortes d’armures de barbe à papa cousus de fils métalliques. Une traduction directe des tourments du corps et de l’esprit traversés par les quatorze danseurs de la chorégraphe plongeant avec toute l’intensité performative qu’on lui connaît dans les profondeurs de l’âme. Kreatur offre des visions d’êtres épuisés, de soumissions lascives et de dominations férocement intenses. Un frisson collectif parcourt le plateau, lieu des pulsions les plus énergiques, des émotions individuelles perverties par le collectif. Les créatures de Sasha Waltz sont revêtues de secondes peaux étranges, lézardées de matières où éclosent parfois, par grappes, de menaçantes pointes noires nées de sa collaboration avec Iris van Harpen. La force des images, encore et toujours. Une femme en tirant une autre par sa longue tresse, un corps gorgé de désir rentrant dans l’enveloppe de l’autre… Tout est affaire de peurs, de domination et d’impuissance, d’isolement et de soumission à des pulsions. « J’ai toujours été intéressée par les moments de basculements de victime à bourreau, par ces instants où le dévouement peut devenir violence », confie la chorégraphe qui travaille pour la première fois avec Soundwalk Collective, composant à partir de sons d’usines, de machines et des acoustiques de l’ère industrielle. Le tout est couplé à d’autres enregistrements réalisés dans des bâtiments emblématiques similaires, mais réaffectés, passant ainsi à un environnement sonore post-industriel (l’ancienne prison de la Stasi Gedenkstätte Berlin Hohenschönhausen, l’Arma17 à Moscou ou le Berghain de Berlin). De hauts lieux – souvent culurels, dédiés aux musiques électroniques – ajoutant un brin de soufre et d’étrange…
* Lire Les Statues bougent aussi dans Poly n°162 ou sur poly.fr