Le collectionneur
À Baden-Baden, une impressionnante exposition bicéphale célèbre un double anniversaire : les dix ans du musée Frieder Burda et les quarante ans de sa collection, dont sont présentées les pièces emblématiques.
Tout a commencé il y a quarante ans avec un acte de “rébellion” : l’achat par Frieder Burda d’un tableau de Lucio Fontana, une toile rouge percée de longues fentes, une manière de se détacher de son « père qui était passionné par l’expressionnisme allemand ». Ce premier coup de cœur en engendrera bien d’autres, puisqu’aujourd’hui sa collection compte plus de mille pièces. Elle est présentée dans un écrin lumineux alors que le collectionneur allemand, amoureux de la France, souhaitait originellement bâtir son musée à Mougins (Alpes-Maritimes). C’était compter sans les pesanteurs administratives hexagonales et la mauvaise volonté d’une municipalité qui ne souhaitait pas voir le calme troublé. Après d’inutiles efforts, l’ensemble fut donc “rapatrié” à Baden-Baden dans un cadre lumineux et fluide inauguré il y a dix ans et signé Richard Meier. Intitulée 40 I 10, cette exposition qui étend ses ramifications dans la voisine Staatliche Kunsthalle ressemble à une tentative de bilan puisqu’on y discerne, à travers certaines acquisitions majeures, les lignes de force de la collection.
L’art allemand occupe un belle place, des expressionnistes – avec notamment d’époustouflantes vues de Baden-Baden signées Max Beckmann – aux monstres sacrés que sont devenus Sigmar Polke, Anselm Kiefer, Neo Rauch, Georg Baselitz ou Gerhard Richter, sans doute l’artiste favori de Frieder Burda. Le visiteur peut appréhender toute la diversité de sa création, des fulgurantes abstractions à des œuvres comme Party (1963), toile balafrée où les personnages sont couturés, métamorphosant une soirée idéale de l’American way of life en bal des vampires où jaillissent, sanguinolentes, quelques traînées de peinture rouge. Le XXe siècle est balayé dans le regard du collectionneur, avec la couleur pour ligne directrice – s’il faut absolument en donner une –, du pop d’Andy Warhol à l’hyperréalisme de Malcolm Morley, dont est présenté l’éblouissant Alice (2007), en passant par la mélancolie de Tim Eitel. Dernier axe de la collection, les pièces tardives de Pablo Picasso – une passion précoce, puisqu’elles ont été achetées alors qu’elles étaient encore abordables – sont présentes en nombre. Ce qui a séduit Frieder Burda dans ces toiles longtemps sous-estimées ? « Une manière de peindre extraordinairement expressionniste. Il y a là une grande proximité avec Beckmann. Mais au fond je ne sais pas réellement ce qui m’a attiré. J’ai réagi comme un collectionneur, c’est-à-dire de manière intuitive. » Et l’aventure se poursuit…
+49 (0)72 21 398 980 – www.museum-frieder-burda.de
+49 (0)72 21 3007 6400 – www.kunsthalle-baden-baden.de