Last but not least
Le Maillon et le TNS célèbrent pour la dernière fois Premières, festival dédié aux jeunes metteurs en scène européens créé en 2005.
Un baroud d’honneur. Un enterrement de première classe, celui d’un festival qui invita les jeunes artistes les plus prometteurs du continent à Strasbourg, donnant sens au statut de capitale européenne à la cité. Fragilisé en 2011 pour des questions de priorités budgétaires de l’ancienne directrice du TNS qui avait héritée du festival de son prédécesseur, sauvé de la disparition grâce à la participation du Badisches Staatstheater de Karlsruhe, accueillant le festival une année sur deux et lui conférant un intéressant caractère transfrontalier, Premières succombe à la valse des directeurs, de leurs envies comme de leurs projets qui sonnent aujourd’hui le glas de ce rendez-vous. Deux spectacles y sont présentés, accompagnés de rencontres publiques associant professionnels, artistes et publics.
Mr. Nobody
Le duo Markus&Markus jouera Ibsen : Gespenster, programmé lors de l’édition 2015 à Karlsruhe. Ces deux Allemands, lancés dans un cycle de spectacles autour d’Ibsen, choisissent un personnage par pièce dont ils essaient de trouver la correspondance dans la vie réelle. Ils retiennent ici Oswald, atteint de syphilis qui demande à sa mère de mettre fin à ses jours. Un sujet au potentiel émotionnel gigantesque. Courant les associations d’aide à la fin de vie, les compères entrent en contact avec une vieille dame, acceptant leur présence au quotidien, caméra au poing, durant les 30 derniers jours qui précédent son injection létale. Les images omniprésentes de ces rencontres émaillées de confidences, jusqu’à la toute fin, voisinent sur le plateau avec les deux performeurs qui créent, à la manière de sales gosses, des moments scéniques potaches et parodiques : s’y trouvent mêlées toutes les grandes morts d’opéra et de théâtre, les suicides célèbres (Roméo et Juliette…) avec un humour permettant de se frayer un chemin jusqu’à la vraie disparition, celle qu’on ne peut plus théâtraliser, interrogeant dans cette confrontation au réel les limites du travail scénique et du supportable. Pas question de porter un jugement sur le choix de cette dame qui défend sa dignité et un ras-le-bol de vie. Il s’agit de comprendre.
Après Telemachos – accueilli à Premières en 2013 –, Anestis Azas et Prodomos Tsinikoris plongent dans la boue politique grecque, portée par le parti néo-nazi Aube dorée, appelant à « faire place nette » en expulsant tous les étrangers du pays. Ainsi nait Clean City, portrait et paroles ultra réalistes de cinq femmes de ménage immigrées à Athènes. Âgées de 30 à 65 ans, elles racontent ce qu’elles entendent et découvrent d’une société en crise, que leur humour et leur regard aiguisé révèle de la plus belle des manières.
Ibsen : Gespenster, au Théâtre national de Strasbourg (en allemand surtitré en français), 13-15/12
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