Las Vegas mégalo

Depuis un peu plus de trente ans, le Royal Palace glisse strass, paillettes et plumes multicolores dans le vignoble alsacien, à Kirrwiller. Ça, c’est Palace !

Vision scintillante… Le clinquant édifice apparaît une fois le petit bled de Kirrwiller (même pas 500 habitants) traversé. Impossible de passer à côté de cette imposante bâtisse recouverte de milliers d’ampoules, comme pour mieux dénoter dans le paysage rural. Temple du kitsch ? Antre du tape-à-l’œil ? Le Royal Palace, qui accueille 200 000 spectateurs par an, c’est d’abord une impressionnante success story en rase campagne.

Attablés au bar du Carrousel, dans un des salons du Majestic, vaste restaurant (sur six niveaux) dont la déco évoque à la fois Les Mille et une nuits, la Russie des Tsars et l’univers du cirque, Pierre Meyer, une cravate constellées d’étoiles et frappée du logo Royal Palace nouée autour du cou, prévient d’emblée : « Nous devons notre succès à la qualité de nos spectacles, pas au caractère incongru de la situation de l’établissement qui est plutôt handicapante car il faut faire venir le public jusqu’ici. » Tandis qu’au-dessus de nous défilent les bouteilles, pleines ou vides, notre hôte revient sur l’histoire de l’institution, étroitement liée à celle de l’auberge familiale des Adam-Meyer, dîner / dancing de l’après-guerre. En 1980, lorsqu’il reprend la petite entreprise, Pierre Meyer, des images de Las Vegas plein la tête, réalise son rêve en programmant des shows empruntés aux cabarets parisiens. « Les gens partaient à six heures du matin. On savait faire la fête à l’époque », se souvient le maître des lieux qui gérait tout, de A à Z. « J’étais en cuisine, je cherchais les artistes à la gare de Saverne, assistais aux répétitions et faisais la régie. » En 1989, exit la scénette sur roulettes, place à un vrai plateau de 200 m2 et à des spectacles qu’il produit lui-même. Pari audacieux, triomphe grandissant… Au milieu des années 1990, le Cabaret Adam-Meyer, financé par « les banques de Bouxwiller », s’agrandit et se transforme en Royal Palace. L’ensemble du site fait aujourd’hui 8 000 m2, avec un théâtre de 1 000 places, une scène de 25 mètres de large pour 20 mètres de haut et deux restaurants, de 800 (Le Majestic) et 160 places (Le Versailles). Petit à petit, boosté par une presse curieuse qui apporte de l’eau au moulin (rouge), le Royal Palace (130 salariés environ), troisième cabaret de France, devient aussi célèbre que le château du Haut-Kœnigsbourg et attire une clientèle internationale, étant le passage obligé des tour-opérateurs.

La maison ne se repose pas pour autant sur ses lauriers dorés. « Tous les ans, il faut se remettre en question », en proposant de nouveaux spectacles (pas très chers, à partir de 24 € par personne), avec un nouveau chorégraphe et de nouveaux artistes, recrutés dans les festivals et écoles de cirque à travers le monde… tous logés / nourris / blanchis ici, une année durant. « Nous faisons de gros investissements pour notre clientèle. » Dernière folie (bergère) en date : un rideau de LED (600 000 € quand même…), sorte d’écran vidéo qui « permet de dynamiser Crescendo ». Porté par 35 danseuses, chanteurs ou équilibristes de douze nationalités, ce récent show mêle comédie musicale, revue de music-hall et numéros circassiens. Il y a même des stars : un ténor de la Scala de Milan, des interprètes de Notre Dame de Paris ou de Starmania et, surtout, l’illusionniste sexy Sophie Edelstein, « la fille Pinder », par ailleurs jury de l’émission La France a un incroyable talent sur M6. « Je l’imaginais plus grande », entend-on souffler dans le public au moment de son arrivée, en grande pompe, sur scène…

Pierre Meyer nous avait prévenu : « C’est pas du french cancan. Il faut aller dans le sens de la nouvelle génération qui veut que ça bouge ! » Ballets de girls emplumées et topless, tours de magie pyrotechniques bluffants (mais comment a fait le type pour sortir de la boîte sans avoir été transpercé par les flèches enflammées ?), chorégraphies rappelant Madonna ou les clips de MTV, concours de biceps entre acrobates bodybuildés accrochés dans les airs, boys qui se déhanchent et autres numéros de haute voltige s’enchaînent à un rythme effréné, dans des décors évoluant sans cesse.

Nous sortons abasourdis par deux heures intenses, fixant benoîtement une fresque représentant le big boss. Alors, qui est vraiment le patron du Royal Palace ? Un doux rêveur ? « Non, on ne peut pas investir des millions sans rester réaliste. » Un requin du business ? « Je viens d’enregistrer une émission chez Mireille Dumas, avec les Rothschild et les Dassault, des personnalités qui ont fait fortune… mais personnellement, j’ai réussi, c’est tout. » Un mégalomane ? « Je viens de refuser un reality show à Alexia Laroche-Joubert, avec moi en vedette. Je suis flatté d’être sollicité, mais je ne cherche pas du tout à me mettre en avant. Sinon, je ferais comme Michou qui prend un micro pour lancer les numéros ! » Pierre Meyer est « un homme de spectacle, tout simplement ».

Royal Palace, 20 rue de Hochfelden à Kirrwiller
03 88 70 71 81 – www.royal-palace.com
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