Laissez parler les p’tits papiers
En cette fin d’année, les “squatteuses” de l’imprimerie Papier Gâchette, après avoir été expulsées de la route des Romains, se sont retrouvées au cœur d’une vive polémique. L’occasion de mettre en lumière leur activité. Et de questionner la place des cultures alternatives dans la cité.
Nous rencontrons Marie, Emmanuelle et Pauline une vingtaine de jours après leur expulsion du 2 route des Romains à Koenigshoffen / Strasbourg. Sereines, elles ont réaménagé au 8 rue du Rempart (entre le Bastion et la Semencerie) dans un bâtiment appartenant à la CUS. Au milieu de « sept tonnes de matériel », les plasticiennes évoquent leurs (més)aventures. Typographie, sérigraphie ou gravure… créée en 2009, l’imprimerie associative est spécialisée en éditions limités. Sensibles au travail artisanal et « allergiques à l’informatique », les trois filles accumulent du matériel d’imprimerie old school, notamment auprès de l’Espace européen Gutenberg. Seules ou en compagnie d’autres auteurs, elles éditent des ouvrages de divers formats : un conte géorgien, une nouvelle russe, un recueil traitant de botanique ou encore un texte illustré de Pierre Louÿs. Papier Gâchette prête également son matériel pour la réalisation d’affiches, de pochettes de disque ou de fanzines et propose des interventions dans des festivals ou auprès du jeune public. « La notion de transmission est importante » pour celles qui ont été chassées avec perte et fracas du squat des Romains où elles œuvraient depuis six ans aux côtés d’autres “locataires”… La CUS, souhaitant libérer le bâtiment occupé pour y bâtir de nouvelles constructions, voulait reloger le trio dans l’ancien centre de tri postal de lui appartenant à Schiltigheim, bâtiment en cours de réhabilitation. Sauf que le Mairie de la cité brassicole n’a pas vu les choses du même œil, refusant catégoriquement que des « zones de non-droit » s’installent dans sa ville. Raphaël Nisand « assume cette décision. Autour de Papier Gâchette gravitent toutes sortes de gens plus ou moins recommandables. Personne ne peut me garantir de ce que ces squatters vont faire de l’endroit. » Selon lui, Strasbourg a « essayé, sans concertation avec Schiltigheim, de se débarrasser du problème. » Papier Gâchette : une patate chaude qu’on tente de se refiler de quartier en quartier ? « Au contraire, il faut être fier d’avoir une association comme celle-ci à Strasbourg », s’insurge Paul Meyer, conseiller municipal s’étant (sans être l’élu en charge du dossier) très largement exprimé sur le sujet qui l’intéresse particulièrement. « Comment être une grande ville européenne sans laisser de l’espace aux cultures alternatives ? Je me battrai pour que, dans le prochain mandat, il y ait un nouvel axe concernant le développement de ces cultures à Strasbourg ! » Paul Meyer s’est vivement attaqué au maire de Schiltigheim qui, selon lui, « commet une grave erreur politique en rejetant des artistes qui auraient dynamisé sa ville, tous frais payés par la CUS. » Pour l’heure, Papier Gâchette regrette surtout de s’être fait « éjecter de cette manière », en compagnie de ses camarades. « Nous nous sentons parfaitement à notre place rue du Rempart, en face d’un campement Rom et à proximité d’un centre d’accueil de SDF », balancent les filles en déballant leurs cartons pleins à craquer.
http://papiergachette.blogspot.fr Papier Gâchette participe au festival Central Vapeur, du 3 au 16 décembre – www.centralvapeur.org