La vie de château

Photo de Stéphane Louis pour Poly

Donner les moyens au Château de Lunéville de revivre et de rayonner : telle est la mission confiée à Hélène Cascaro par le Département de Meurthe-et-Moselle, propriétaire des lieux. Nous lui avons rendu visite dans le “Versailles lorrain”.

 

Le lent déclin du Château de Lunéville, merveille bâtie par l’architecte Germain Boffrand à la demande de Léopold Ier de Lorraine, débute en 1766, à la mort de Stanislas Leszczynski qui en avait fait un centre intellectuel des Lumières. Son gendre, le roi Louis XV, vend le mobilier à l’encan, démolit les exquis pavillons du parc et y installe une compagnie de gendarmes rouges1. La vocation militaire du site perdurera jusqu’en mars 2017 : à cette date, le département de Meurthe-et-Moselle devient propriétaire de la totalité du site, rachetant une partie au Ministère de la Défense. La situation n’est pas brillante. Après l’incendie de janvier 2003 qui « avait néanmoins eu le mérite de soulever une vague de soutien et de solidarité », selon Nicole Creusot, vice-présidente de la collectivité notamment chargée de la culture, un important travail est à mener pour redonner du lustre à un lieu aujourd’hui visité par 100 000 personnes par an. Cela permettra, par ricochet, d’irriguer le territoire d’une cité aux charmes discrets et pénétrants qui a la semblance, lorsqu’on la visite de manière superficielle, d’une parfaite incarnation de la France périphérique.

 

Une volonté politique

Dans un contexte où les Départements sont exsangues, devenus de simples courroies de transmission de l’aide sociale si l’on veut caricaturer, la culture est souvent la cinquième roue du carrosse pour eux. Malgré tout, Nicole Creusot souligne le désir de « rendre vie à ce patrimoine, de le faire mieux connaître et rayonner ». À l’appui de ce désir, un budget non négligeable (500 000 € annuels d’investissement et 800 000 € de fonctionnement, hors personnel) a déjà permis de restaurer ou restituer certains espaces détruits par les flammes (salles des Gardes et de la Livrée ou Chapelle palatine) et de mener une active politique d’acquisition de meubles, objets et œuvres d’art pour un futur musée. Mais pour aller plus loin et « faire entrer d’autres acteurs dans une structure autour du Département », il fallait engager une personne capable de rassembler les énergies. C’est la mission d’Hélène Cascaro, dont le titre de “Chargée de préfiguration pour le Château de Lunéville” indique la variété des occupations. Recrutée début octobre 2017 (pour trois ans), son profil est idéal pour la tâche qui lui incombe, puisqu’elle connaît bien les arcanes des sphères publiques et privées de la culture et du patrimoine, se mouvant avec aisance dans le labyrinthe administratif : elle a, par exemple, créé le département “politique culturelle et éducation” de l’Association des maires de grandes villes de France (2007-2011). Attirée par un « défi de taille, celui de redonner ses lettres de noblesse à un bâtiment exceptionnel », elle « souhaite imaginer un projet permettant d’écrire une nouvelle page dans l’histoire du monument. »

Photo de Stéphane Louis pour Poly

Un travail herculéen

Pour Hélène Cascaro, l’enjeu premier est de « fédérer des partenaires autour du Conseil départemental », qu’ils soient publics (État via la Drac, Région Grand Est, Communauté de communes du Territoire de Lunéville à Baccarat ou encore Ville) ou privés. Pour cela, la création d’un Groupement d’intérêt public2 se dessine. Une fois cette première mission menée à bien, il conviendra, collégialement, de « définir un fil directeur, un positionnement si l’on veut parler en termes de marketing ». Pas une minute de répit : la vie de château d’Hélène Cascaro ressemble à celle d’une executive woman du patrimoine qui enchaîne les rendez-vous avec tous les acteurs du projet, opère des diagnostics dans des domaines les plus variés, œuvre de concert avec le Musée lorrain qui sera en partie délocalisé à Lunéville pendant ses travaux de rénovation3, mène des actions de benchmarking en étudiant le succès de sites du XVIIIe siècle comme la Saline royale d’Arc-et-Senans. « Le Château est une coquille vide dont on se sert aujourd’hui tous azimuts. Il importe de donner une direction commune à tous ces efforts en définissant un projet. » L’axe ? Impossible de le déterminer aujourd’hui : de nombreuses pistes sont possibles – magnifier un art de vivre en harmonie avec la nature qui fut l’apanage de l’âge d’or de Lunéville, créer une “route Stanislas”, travailler sur les merveilleux jardins, etc. – mais ce qui est certain est qu’il « faudra des échos contemporains ». Et de citer comme exemple réussi, le Collège des Bernardins. La mission ne fait que commencer : prenant en compte l’existant – comme l’appartenance au réseau des Gardens of Light avec le Palais Catherine de Saint-Pétersbourg, le Prince Pückler Park de Bad Muskau, etc. –, Hélène Cascaro est en train de contribuer à bâtir les fondations de l’avenir du Château de Lunéville qui, tel le Phénix, est en train de renaître de ses cendres.

 

 

> Expositions Portraits de femmes algériennes (jusqu’au 21 janvier) et Le Palais révélé, Lunéville et Germain Boffrand (jusqu’au 15 juin)

 > 8e Nuit des Jardins de Lumière avec la compagnie Porté par le Vent, samedi 24 février à partir de 18h30

chateauluneville.meurthe-et-moselle.fr 

 

1 Surnom de la cavalerie de la Gendarmerie de France

2 Un GIP est une personne morale de droit public permettant à des partenaires publics et privés de mettre en commun des moyens pour la mise en œuvre de missions d’intérêt général

3 Il fermera ses portes le 2 avril à la fin de l’exposition C’est notre histoire !

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