La Terre entre les mondes selon Jean Boillot

La Terre entre les mondes : Amalia apporte sa bassine à Cecilia © Augustin Pot

Jean Boillot donne corps à La Terre entre les mondes, conte théâtral où Mayas et Mennonites tentent de survivre au Mexique.

Aux confins du Mexique, il est des espaces encore sauvages où les indigènes cultivent des lopins de terre collectifs avec d’ancestrales semences. On y siffle entre les mots par habitude, sans même s’en rendre compte, pour appeler le vent, comme on vénère Chak en langue maya, dieu de la pluie au corps de jaguar. En lisière des forêts bruissantes et impénétrables, des générations de colons Mennonites prospèrent. Ces ultra-orthodoxes parlant le platt (patois allemand vernaculaire) ont ici fui les persécutions dont ils étaient victimes en Europe à la Renaissance pour s’isoler, tout en devenant de grands propriétaires terriens pratiquant l’agriculture intensive à coup de glyphosate et de maïs transgénique. Ces deux cultures fragiles, proches de s’éteindre, sont convoquées par Métie Navajo sous les traits de Cécilia, travaillant dans la propriété d’Amalia qui, dans le dos de sa mère et de sa sœur jalouse, ne cesse de l’interroger dans un mauvais espagnol. 

La Terre entre les mondes © Augustin Pot
La Terre entre les mondes : Katrin et Cecilia avec Jean Boillot de dos © Augustin Pot

 « Le conte qui se tisse est une histoire d’amour entre une jeune femme vivant avec le fantôme de sa grand-mère et un père résigné sur l’inexorable avancée néfaste du progrès – l’État n’hésite pas à spolier les terres pour construire sa ligne de train – et une autre fille, avec laquelle les relations sont interdites », assure Jean Boillot, totalement tombé sous le charme de « cette langue du poème épique, de l’émotion, qui est une merveille de théâtre ». Quitte à délaisser pour l’occasion sa famille d’acteurs pour de nouveaux locuteurs aux accents d’ailleurs (Mexicaine, Vénézuelienne, Allemande, Luxembourgeoise…). Au centre de cette Terre entre les mondes, de ce Mexique où le syncrétisme est roi, la sororité entre les personnages féminins (Abuela, la grand- mère ne trouvant pas le repos de l’âme, sa petite fille et son amie) ouvre « des points d’horizons pour un futur réconcilié ». Le metteur en scène s’empare des visions animistes englobant mondes des morts et des vivants. « Le théâtre a le pouvoir de faire surgir l’invisible dans des actes poétiques, et de convoquer nos fantômes. » Sur scène, un cadre clair, épuré et géométrique, est surélevé. L’absence de fond permet un travail de profondeur de champs, de qualités de noirs mais aussi d’apparitions / disparitions. « Ce geste simple rappelle un tympan dans lequel le son sera spatialisé et multi-diffusé par Christophe Hauser, un des maîtres en ce domaine. » Et Jean Boillot de s’appuyer sur la « pauvreté des signes visuels et sonores, qui vont de pair avec leur multiplicité de significations (oiseaux, forêt, machines-outils) », afin de donner vie à cette utopie féministe, dans laquelle règnent la transmission et une certaine forme de résistance. 

La Terre entre les mondes © Augustin Pot
La Terre entre les mondes : la mère mennonite et Amalia © Augustin Pot

Au Nord Est Théâtre (Thionville) du 16 au 18 novembre
nest-theatre.fr 

Échange après-spectacle avec les artistes, jeudi 17 novembre

À l’Espace Simone Signoret (Vitry-le-François) jeudi 1er décembre
bords2scenes.fr

vous pourriez aussi aimer