La Table du Lausanne Palace de Franck Pelux et Sarah Benahmed

La Table du Lausanne Palace © Anthony Demierre

À La Table du Lausanne Palace, Franck Pelux et Sarah Benahmed ont décroché une deuxième Étoile au Guide Michelin. À la découverte d’une cuisine éperdument libre.

Le couple est arrivé en Suisse en juillet 2020, succédant à Edgard Bovier qui œuvrait dans le restaurant depuis plus de quinze ans : « Soit nous faisions doucement, soit nous y allions à fond. Nous y sommes allés à fond », se marre Franck Pelux. Avec sa compagne Sarah Benahmed, ils jouent une partition toute d’harmonie à La Table du Lausanne Palace. Lui est un chef de choc, elle une hôtesse chic qui marie élégance absolue et décontraction de bon aloi. Ils se sont rencontrés chez Laurent Peugeot, au Charlemagne de Pernand-Vergelesses. Ne se sont plus quittés depuis, progressant de concert, l’été auprès d’Arnaud Donckele à La Vague d’Or (Saint-Tropez), l’hiver chez Yannick Alléno, a0u 1947 à Cheval Blanc (Courchevel). Également fascinés et façonnés par l’Asie, Franck et Sarah y travaillent, au Temple Restaurant Beijing en 2015, tombant sous le charme des marchés de nuit de Singapour ou de Taipei : « Sur une plancha d’un mètre carré, ces cuisiniers font des miracles avec presque rien. Vous prenez de sacrées claques. Certains plats peuvent procurer l’émotion d’un trois Étoiles », explique-t-il. Révélé au (très) grand public par Top Chef, il prend les rênes du Crocodile en 2017, revivifiant l’institution strasbourgeoise. Las, l’aventure tourne court, et malgré quelques velléités alsaciennes – le restaurant du Palais des Fêtes leur aurait bien plu –, le duo cingle vers le Léman.


Désormais installés dans un palace Belle époque où Thomas Bach, le président du Comité international olympique a pris ses quartiers – une tradition depuis le mandat d’Antonio Samaranch –, Franck Pelux et Sarah Benahmed puisent dans leur mémoire olfactive et gustative pour créer des plats. Ceux-ci restent longtemps dans l’esprit des convives, dans une jolie mise en abyme où les souvenirs des uns génèrent ceux des autres. Voilà définition possible de la haute gastronomie d’aujourd’hui. Les débats débutent symboliquement par une aérienne Dampfnudle, réminiscence alsacienne, qui croise le chemin d’un bouillon aux fragrances asiatiques. Comme un éloge de la simplicité… à l’image d’un pot-au-feu évoquant, pêle-mêle, l’abstraction géométrique de Franck Stella et les bandes alternées de Daniel Buren : se succèdent en effet tranches de carottes, de céleri et de paleron de bœuf dans un ordonnancement dont la rigueur n’a d’égale que la sapidité. Les goûts explosent, les textures fondent dans une tonicité où le raifort joue sa partition, tout comme l’os à moelle et, touche moins traditionnelle mais in fine excitante, quelques perles de caviar osciètre. Elles confèrent, certes, un caractère marin à cet ensemble fort terrien, mais permettent surtout une échappée belle sur des sentiers buissonniers. C’est aussi le cas d’un homard bleu qui s’égare avec bonheur sur les chemins ensoleillés de l’Oranie ou du Constantinois avec le souvenir d’un tajine – celui de la mère de Franck, originaire d’Algérie, qui l’a initié à la cuisine – où éclate la puissance et la délicatesse mêlées d’un ras el-hanout d’anthologie, et la finesse croquante d’un diaphane briouate. La ronde de la mémoire se poursuit avec une composition qui est autant un hommage à la Bourgogne d’origine d’un chef natif d’Autun, qu’à Bernard Loiseau, puisque Franck a connu ses premières extases gastronomiques à Saulieu, avec l’iconique sandre rôti aux échalotes confites et au vin rouge, un plat « incroyablement épuré pour son époque. Il était très en avance. » Le sien est tout aussi net et minimaliste : fondant en diable, le poisson lacustre s’ébat dans un jus persillé d’un vert iridescent, déployant des saveurs d’une douceur infinie. Avec les souvenirs du monde d’hier et les siens mêlés, Franck Pelux contribue décidément à l’invention de la cuisine de demain…


La Table du Lausanne Palace est située dans l’hôtel éponyme, rue du Grand Chêne 7-9 (Lausanne). Ouvert du mercredi au samedi. Menus de 98 à 248 CHF.

lausanne-palace.ch

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