La Nef des fous

Costume d'Amalia (états successifs) © Patrick Dutertre

Avec Il Medico dei pazzi, l’Opéra national de Lorraine accueille la création mondiale du dernier opus du compositeur italien Giorgio Battistelli. Une jubilatoire histoire de dingues…

Le livret est extraordinairement simple : un jeune homme vit aux crochets de son riche oncle, lui faisant croire que l’argent qu’il envoie en abondance sert à financer des études de médecine, alors qu’il mène une vie de bâton de chaise. Lorsque le bon bourgeois vient à Naples pour vérifier que les sommes sont bien employées, le rusé coquin lui fait croire qu’il est devenu psychiatre. La pension où il vit ? Un asile. Les pensionnaires ? De joyeux dingos. En plus, il a encore besoin d’un paquet de lires pour équiper l’endroit d’un appareil à électrochocs, alors que la somme servira à rembourser… ses dettes de jeu. L’ensemble est librement inspiré de la pièce de 1908 d’Eduardo Scarpetta (1853-1925) Le Médecin des fous, où ont été glissées quelques passages du film éponyme de 1954 mettant en scène la star napolitaine Totò. Une matière idéale pour Carlos Wagner, un ovni dans la production théâtrale de l’époque puisqu’on n’y évoque guère « les thèmes principaux qui l’irriguent, les amours compliquées et le mariage ou les luttes entre classes sociales. » Le metteur en scène y a trouvé le substrat d’une jubilatoire « comédie visuelle » aux référents multiples, de la Commedia dell’arte à Louis de Funès, en passant par Fellini pour son « esthétique de l’outrance ».

Mais à côté de l’aspect éminemment rythmique – une caractéristique centrale de la partition – et burlesque de l’affaire se pose la question de l’autre et de la différence : « En fait, personne n’est fou. Les pensionnaires sont un peu excentriques, certes, mais c’est l’oncle qui se persuade qu’ils sont malades, simplement parce qu’on lui dit qu’ils le sont. La réalité est tordue à ses yeux comme s’il portait des lunettes déformantes. » Pour évoquer cette distorsion progressive du réel, le décor et les costumes sont évolutifs. Accompagnant le changement de la perception de l’oncle, ils perdent leurs couleurs, comme délavés, les vêtements (du début des sixties, l’âge d’or de Cinecittà) prenant en outre des formes de plus en plus exagérées. C’est une hilarante galerie de portraits qui nous est ici proposée. Tout cela est enlevé en diable et plein de joie comme si Le Malade imaginaire croisait des personnages du théâtre de Feydeau.

À Nancy, à l’Opéra national de Lorraine, du 20 au 28 juin. Conférence de Giorgio Battistelli et Carlos Wagner, jeudi 19 juin à 18h30 (entrée libre)
03 83 85 33 11 – www.opera-national-lorraine.fr
www.giorgiobattistelli.it

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