La Mer à boire de Blutch

Dessin original de Blutch pour Poly

Nouvel opus du Strasbourgeois Blutch, Grand Prix de la Ville d’Angoulême en 2009, La Mer à boire décrit l’élan amoureux.

En ouvrant l’album, on tombe directement sur un dessin. Point de page de titre – ce sera pour plus tard – ni d’introduction, à l’image des expérimentations formelles menées par Marc-Antoine Mathieu dans sa série Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves. « Je voulais donner au lecteur l’impression que l’histoire a débuté avant qu’il ouvre le livre, qu’il la prend en cours », explique Blutch. L’histoire ? D’une grande simplicité, c’est celle d’une rencontre amoureuse entre deux personnages, un garçon nommé B et une fille qui s’appelle A : « Au départ, le fil conducteur était très ténu : le garçon se déplace de la gauche vers la droite et la fille de la droite vers la gauche, jusqu’à ce qu’ils se rencontrent. C’est de la géométrie, un titre possible a longtemps été A + B », s’amuse l’auteur, qui lui a préféré une référence à un écrivain confidentiel, Henri Calet. « Dans son roman – enfin c’est plus une confession qu’un roman – Monsieur Paul, il raconte une histoire d’amour et décrit la vie de couple comme la mer à boire. » Renversant l’expression consacrée, il prolonge même le propos : « C’est la mer à boire et tous les poissons qu’elle contient et l’écume d’en haut et la boue qui est au fond et le sel et l’amertume. » Dans sa BD, on peut voir cela de manière ironique, tant cette rencontre est enthousiasmante, oscillant entre Romance – qualificatif qu’il retient comme sous-titre – et histoire d’aventures où les traces sont multiples… Mais est-ce si étonnant chez un artiste qui a publié Variations, hommage à ceux qui l’ont marqué de Morris à Jacobs ?
 


« L’Oreille cassée m’a servi de mètre étalon, ne serait-ce que pour les couleurs : j’ai puisé dans les gammes chromatiques de l’album. Mais on trouve aussi des références à Tintin en Amérique, sur lequel le début de l’album est calqué, ou Coke en Stock. » Dans cette course-poursuite amoureuse, des réminiscences de Manara (HP et Giuseppe Bergman) ou Moebius (Les Jardins d’Edena) sont aussi perceptibles. Blutch emporte son lecteur dans un « monde flottant, indistinct, où Bruxelles est au bord du Lac Majeur. Au début, j’ai pensé que cette BD aurait pu être réalisée dans 200 ans par un dessinateur souhaitant narrer une histoire se déroulant aujourd’hui, mais qui aurait possédé une documentation imprécise sur notre époque. Il mélange donc un peu tout. » A et B nous emportent, nous transportent. La bonne nouvelle est que leur saga n’est pas achevée, puisqu’elle va se prolonger dans quelques années. Ce ne sera néanmoins pas pour 2023, où il publiera une aventure de Lucky Luke. 


Paru aux Éditions 2024 (28 €) editions2024.com 

> En sélection officielle pour le 50e festival d’Angoulême (26-29/01) bdangouleme.com 

> Exposition autour de La Mer à boire à la Galerie Barbier (Paris) du 5 janvier au 4 février galeriebarbier.com 

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