La Fondation Beyeler fête ses 25 ans avec Duane Hanson

© The Estate of Duane Hanson. Courtesy the Estate of Duane Hanson and Gagosian/2022, ProLitteris

Pour célébrer ses 25 ans, la Fondation Beyeler présente une impressionnante exposition de ses collections.

Regards dans le vide et chairs affaissées dans leur chemise à fleurs et polo rayé bon marché, le duo de retraités – elle les jambes lourdes de varices, lui le crâne dégarni – s’est assis un instant pour se reposer. La fatigue du parcours, avec sa centaine de chefs-d’œuvre répartis en plus de vingt salles, se lit sur leur visage. Le livret de l’exposition roulé dans une main, ils ne prêtent même plus attention au flamboyant Rothko auquel ils tournent le dos, entre orange incendiaire et rouge ardent (Untitled (Red, Orange), 1968). Las d’en avoir pris plein les yeux… Comme la mère, non loin de là, qui pousse de sa silhouette épaisse un nourrisson alangui dans sa poussette, slalomant entre le longiligne Homme qui marche II et les Grandes Femmes (III et IV) élancées de Giacometti. 

25 ans de la Fondation Beyeler


Pour fêter ses vingt-cinq ans, la classieuse Fondation Beyeler a frappé fort, orchestrant une détonante présentation de sa prestigieuse collection, grâce aux treize sculptures hyperréalistes de l’Américain Duane Hanson (1925-1996), avec ses personnages en forme d’archétypes meurtris de la classe populaire et laborieuse – messieurs et mesdames-tout-le-monde de l’impitoyable société de consommation, habilement disposés parmi les joyaux de l’institution. Il y a le Vieux Couple sur un banc (1994), la Femme avec Enfant dans la poussette (1985), mais aussi le bedonnant Homme sur la tondeuse (1995) s’apprêtant, casquette vissée sur la tête et canette de Coca à la main, à raser le jardin avec Bassin aux nymphéas (1917-20) de Monet. Dans la grande pièce centrale, trois ouvriers missionnés pour installer la monumentale pyramide d’Anselm Kiefer (Dein und mein Alter und das Alter der Welt, 1997) font leur pause-déjeuner (Lunchbreak, 1989), tandis qu’un agent d’entretien, torse nu luisant de sueur, s’applique à nettoyer les baies vitrées (Window Washer, 1984). « Le dialogue instauré fonctionne comme un miroir de la vie quotidienne du musée, avec les visiteurs qui l’arpentent et les travailleurs de l’ombre qui le font fonctionner », souligne le commissaire de l’exposition, Raphaël Bouvier. 


Le galeriste bâlois Ernst Beyeler (1921-2010) a constitué avec son épouse Hildy l’une des collections d’art moderne les plus importantes au monde, hébergée depuis 1997 dans un bâtiment conçu par Renzo Piano. Une trentaine de Picasso, le saisissant portrait de Madame Cézanne à la chaise jaune (1888-1890), l’incroyable Ponge feu follet noir (1947) de Dubuffet… Le fonds, augmenté après la mort du couple de nouvelles acquisitions d’artistes contemporains de premier plan (des femmes notamment, de Louise Bourgeois à Leonor Antunes, en passant par Marlene Dumas), compte à ce jour quelque 400 pièces. Les deux dernières, Poltergeist (2020), de la Britannique Rachel Whiteread, et La Source ou Nu dans la baignoire (1917), de Bonnard, sont d’ailleurs présentées ici pour la première fois. 


À la Fondation Beyeler (Riehen / Bâle) jusqu’au 8 janvier 2023 
fondationbeyeler.ch 

> Pour son anniversaire, la Fondation lance les Friday Beyeler, 14 soirées pendant lesquelles les étudiants et artistes enseignants de la Haute école des arts visuels et appliqués de Bâle (FHNW) transforment le foyer du musée en plateforme de création (tous les vendredis jusqu’au 16 décembre, 18h-22h) 

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