La Cour des miracles

Après un tour d’horizon des écritures francophones, Vincent Goethals entame son deuxième mandat à la tête du Théâtre du Peuple avec une saison aux couleurs de l’Allemagne. Pour les 120 ans de ce lieu mythique, il met en scène la plus extravagante des pièces de Brecht : L’Opéra de Quat’sous.

C’est le rêve de tous les metteurs en scène du monde : monter L’Opéra de Quat’sous, œuvre démesurée écrite par Bertolt Brecht et mise en musique par Kurt Weill en 1928. En réunissant, comme il se doit à Bussang, des comédiens professionnels et amateurs, Vincent Goethals peut enfin s’offrir ce plaisir. « Brecht et Weill voulaient balayer l’opéra bourgeois et inventer l’opéra populaire. Il me paraissait assez juste de proposer ce spectacle au Théâtre du Peuple, qui s’inscrit dans cette démarche. » Après trois saisons francophones autour des écritures contemporaines, voilà donc le grand répertoire européen qui s’installe dans les Vosges.

C’est du monde d’aujourd’hui que Brecht nous parle, avec l’acuité saisissante de ses textes, toujours politiques derrière l’apparente légèreté. « Il décrit une société qui perd ses valeurs, un monde où tout est pourri. Les résonances sont évidentes. » Un monde peuplé de personnages hauts en couleurs, avec au centre le dénommé Mackie-le-Surineur et sa bande de truands, des « Pieds Nickelés bêtas, mais dangereux ». La jeune et naïve Polly débarque parmi eux et révèle bientôt un tout autre visage, celui d’une « Cruella sans cœur et sans scrupule, qui va prendre le pouvoir ». Ses parents, les Peachum, des cousins des Thénardier, forment un couple infernal et grotesque. « Tous sont des crapules, même les putains trahissent et les flics sont des lâches. Personne n’est à racheter dans cette histoire… » Incarnant cette joyeuse bande, vingt-et-un artistes sont sur scène, dirigés pour le chant par le chef d’orchestre Gabriel Mattei. Dans les rôles principaux, six comédiens professionnels ont été choisis pour leur maîtrise de l’art lyrique. Quant à l’univers visuel, Vincent Goethals a préféré faire un bond dans le temps, loin des années 1930. « Au départ, j’avais en tête les images de Mad Max. Et finalement c’est la référence à Orange Mécanique qui s’est imposée. Kubrick invente dans ce film un monde futuriste issu des années 1970, avec un rapport à la violence très marqué. Pour moi, la bande à Mackie est proche de cet univers particulièrement stylisé, avec des couleurs flashy, des matières plastiques transparentes… » Quant à l’étrange fin de la pièce, façon happy end hollywoodien, le metteur en scène l’interprète à sa façon : « Brecht nous met en garde. C’est trop facile de condamner le salaud officiel quand soi-même on ne fait rien pour éviter que la société aille dans le mur. »

À Bussang, au Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher, du 11 juillet au 22 août (est également programmée une mise en scène signée Yves Beaunesne d’Intrigue et Amour de Schiller, du 29 juillet au 22 août)

03 29 61 50 48 –  www.theatredupeuple.com

 

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