La chanson et l’espace
Le journaliste londonien Simon Reynolds compile ses articles et raconte 25 ans de rock et de hip-hop. Bring The Noise : une histoire de va-et-vient et de trafics d’influences.
Pas de longs papiers sur Aphex Twin (même si Richard D. James, incontournable, est présent dans l’ouvrage) ou sur Saint Etienne – artistes que Reynolds vénère –, mais une collection d’articles (issus de Melody Maker, essentiellement, mais aussi The Wire ou New Yorker) qu’il commente, parfois plus de vingt ans plus tard. Le journaliste livre un regard nouveau sur ces artistes et courants musicaux qu’il décortiquait à chaud : c’est notamment amusant de voir comment, en 1993, il peine à qualifier la jungle, style qui germait à peine.
Avec Bring the Noise, l’auteur de Rétromania « a passé au crible deux décennies d’interviews, de chroniques, de reportages et d’essais pour tracer le territoire des interactions entre la musique blanche et la musique noire – et tout spécialement la relation tour à tour funeste et fertile entre rock « hip » et hip-hop ». Celui qui n’a jamais voulu choisir entre les Smiths et Public Enemy pointe de la plume, tout au long d’un pavé de 650 pages, les relations et échanges « blanc sur noir » qui ont bien souvent été « le moteur du changement dans l’histoire de la pop ».
http://www.dailymotion.com/video/x1755g_the-stone-roses-fools-gold_music
Les influences de la musique noire sur la musique blanche et vice-versa, celles du mainstream sur l’underground, et inversement : « L’histoire du grand rock est cette région intermédiaire où coexistent l’expérimentation et l’accessibilité, la chanson et l’espace. » Bring the Noise est un manifeste qui se consulte également comme un dico hypersubjectif où l’on croise Beat Happening, usant « de l’incompétence comme d’un tremplin vers la gloire », Public Enemy et sa musique, « reproduction sonore fidèle d’un environnement social stressant et disharmonieux », ces « bâtards maladroits » de Stone Roses, groupe gavé de funk et de dub.
Le rock critic fait les louanges du « radotage » de Shaun Ryder (Happy Mondays) ou du « panache meurtrier » de Snoop Dog, il parle de M.I.A, de britpop ou encore de Vampire Weekend, groupe « cultivé et cosmopolite, calme et posé, prudent et soigné »… comme un certain Obama, remarque Simon Reynolds en cette fameuse (pour les musiciens et le politicien) année 2008.