La Belle et la Bête
Installée à Besançon avec sa compagnie, la chorégraphe Nathalie Pernette s’offre un solo avec un loup et un environnement d’images numériques. Un voyage dans un monde intérieur, onirique, cauchemardesque et… bestial !
Enfant déjà, Nathalie Pernette était fascinée par la Bête du Gévaudan, sa multitude de récits, de victimes et de supputations macabres à souhait. L’imagerie populaire et artistique de férocité et de carnages dans l’obscurité de forêts inquiétantes rejoignait sa mythologie personnelle : Saint-Georges terrassant le dragon au milieu de dépouilles et de crânes peints par Vittore Carpaccio[1. La légende veut qu’on ait donné son nom au célèbre plat italien en hommage à la prédominance du rouge dans ses toiles ou à leur ambiance sanguinolente] au XVIe siècle. Rien d’étonnant donc à la voir explorer « un monde intérieur » dans une confrontation solitaire avec les éléments prenant vie grâce aux projections numériques d’images de films de loup-garou, de transformations, de poursuites et de cris déchirant le silence. La danseuse habite avec une physicalité toute en tension le plateau nu. Sa tête rasée renforce l’impression squelettique d’une silhouette torturée de convulsions, de spasmes bestiaux dont les mimiques sont rehaussées par d’habiles bruitages. Sont convoquées sous nos yeux la « crainte du surgissement de la bête, la hantise d’être encerclé, dévoré, transformé, possédé ».
La Peur du loup se joue avec une intensité de tous les instants. Une danse habitée au milieu d’une multiplication de traits et coulures obscurcissant l’espace jusqu’à recouvrir cette femme-bête peinant à contenir son réveil intérieur. Usant de nombreuses ruptures rythmiques, Nathalie Pernette nous entraîne au cœur d’une lutte, d’une métamorphose entre ombre et lumière où l’émergence de l’instinct primaire produit avec une subtilité de détails une image rêvée, fantasmatique et fantasmagorique. Sexualité, violence, domination et animalité sortent du bois, comme ce (véritable) loup, celui que l’on craint mais attend tout de même, recherchant la peur enfantine qu’il nous inspirait. Ce pas de deux avec son alter ego, ballet dansé tout en fluidité, offre quelques instants de douceur au milieu du tumulte du monde…
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