La 37e édition du festival Jazzdor invite notamment à parcourir les racines africaines du genre. Zoom sur quatre concerts emblématiques.
Quatre oreilles, côte à côte, tournées l’une vers l’autre, s’écoutent. Les yeux ouverts, les visages tendus vers un seul sens. À les voir, on aimerait être dans la confidence. Qu’entendent-ils ? Que se disent-ils ? Pour savoir ce que cache l’affiche de Jazzdor, il faut s’y rendre. Sur scène, les interactions, si précieuses entre improvisateurs, sont palpables. Visibles, elles peuvent servir de guide pour qui découvre le jazz, riche en détails et bifurcations. Des 25 dates de cette édition, nous dessinons un parcours en quatre rendez-vous avec la great black music, qui débute par le funk subsaharien de Dave Holland (04/11, Cité de la musique et de la danse) – 50 ans de carrière et des enregistrements avec Miles Davis dans les doigts. Le contrebassiste britannique pourrait tout aussi bien jouer les yeux fermés avec Chris Potter (saxophone), Lionel Loueke (guitare électrique) et Eric Harland (batterie), avec lesquels il a gravé Aziza, hommage aux fées bienfaisantes. Ensemble, les quatre monstres sacrés voyagent à cadence rapide entre le funk et l’Afrique. Les séquences improvisées, virtuoses, lyriques et à haute intensité, de ce “super groupe” à la section rythmique exceptionnelle, ont de quoi secouer. On aime aussi le groove spirituel du batteur et percussionniste Kahil El’Zabar (11/11, Fossé-des-Treize), qui a fait de l’afrocentrisme américain son idiome. Leader volubile, plaçant le coeur de sa musique dans son instrument, il montre la voie dans sa formation (Corey Wilkes à la trompette, Justin Dillard au clavier et Alex Haring au sax). Le rythme sublime le propos, déclenche des réactions physiques confinant à la transe !
Citons aussi les extases percussives de Danyel Waro (15/11, Le Point d’eau) : militant de toujours, figure du maloya patrimoine musical issu des anciens esclaves réunionnais, qu’il a contribué à réhabiliter – et visage de l’île, il est une bête de scène, qui n’a besoin que de sa voix et de ses percussions pour retourner les tripes de ses auditeurs. La formation avec laquelle il est sur scène ne comporte d’ailleurs rien d’autre que cinq percussionnistes chantant en créole. Nonobstant, la lutte n’est pas finie : en atteste le projet Black Lives from generation to generation (18/11, La Briqueterie). En écho au mouvement Black Lives Matter, il associe une quinzaine d’artistes américains, africains et caribéens, qui perpétuent une tradition révolutionnaire portée par Nina Simone, Curtis Mayfield ou James Brown… « La musique est l’arme du futur », disait Fela Kuti : en réunissant des leaders tels Cheick Tidiane Seck, Jacques Schwarz-Bart, Marcus Gilmore, Marcus Strickland ou Reggie Washington dans une série de chansons, ce projet ressemble à un all-star band de jazz moderne, éclectique, débridé, allant du hip-hop aux musiques africaines, dont l’objectif est de montrer qu’une cause commune irrigue la créativité de la communauté afro-diasporique contemporaine.
Dans différents lieux de Strasbourg et alentours du 4 au 18 novembre
jazzdor.com