L’État de nature
La plume satirique d’Eugène Labiche grince avec drôlerie sous la houlette de Jean Boillot. Dans Animal(s), le metteur en scène réunit deux courtes pièces aux intrigues vaudevillesques, où la bête n’est pas toujours celle qu’on croit.
En associant La Dame au petit chien et Un mouton à l’entresol, Jean Boillot ne cherche pas à se spécialiser dans le théâtre zoologique, mais à explorer l’humain. Au fond, pourquoi rit-on dans ces pièces ? « Parce que les comportements des personnages font des courts-circuits. Cette bizarrerie n’est rien d’autre que l’expression de leur désir, donc de leur animalité. » Dans la première, un jeune peintre endetté à l’intelligence diabolique a l’idée de se mettre en gage lui-même, avec ses meubles, chez son créancier. Tel un parasite, le jeune homme, nourri et logé, jouit pleinement des biens de l’usurier jusqu’à faire repriser ses habits par des serviteurs attentionnés. Il ne lui reste plus qu’à séduire son épouse… qui ne demande pas mieux ! « Ce que Labiche dépeint, c’est ce comble de la civilisation qu’est le salon bourgeois, avec ses beaux objets, le lieu où les désirs s’expriment de la façon la plus désinhibée qui soit, même si ces désirs froissent la morale ou sont carrément de l’ordre de l’immoral », éclaire Jean Boillot.
Dans Un mouton à l’entresol, un couple de bourgeois engage, par souci des convenances, un couple marié de domestiques. Sauf que tout est faux dans cette situation. Pour le maître, il est préférable d’avoir une bonne mariée pour assouvir ses besoins sexuels sans s’attirer d’ennuis. Quant au serviteur (célibataire, en réalité), il ambitionne de devenir vétérinaire et profite de cette place pour poursuivre ses expérimentations macabres sur les animaux de la maison qui rendent l’âme les uns après les autres. Un autre parasite dans cette galerie de personnages peu recommandables qui font la marque comique du vaudeville. Installant les deux intrigues dans un décor de salon bourgeois du XIXe siècle, le directeur du Nest n’a pas sacrifié les traditionnelles portes qui claquent. Néanmoins elles ont ici leur vie propre, déplacées en fonction des besoin des personnages. « L’approche habituelle du vaudeville consiste à travailler sur le rythme. Au contraire, j’ai voulu passer avec les comédiens par de très longues improvisations, en creusant le thème de l’animalité. Ne pas être esclave de ce fameux rythme et voir ce qui se produit quand on le ralentit. » Pour accompagner les acteurs sur scène, un piano pneumatique des années 1920 a l’étonnant pouvoir de jouer tout seul les musiques composées par Jonathan Pontier, hommages aux airs populaires de cette époque.
À Thaon-les-Vosges, au Théâtre de la Rotonde, mardi 27 et mercredi 28 janvier À Verdun, au Théâtre, mardi 3 mars À Luxembourg, au Grand Théâtre, mercredi 18 et jeudi 19 mar À Vesoul, au Théâtre Edwige Feuillère, mardi 24 mars