L’Amour à mort
L’Opéra national du Rhin ouvre sa saison, dans le cadre du festival Musica, avec Penthesilea de Pascal Dusapin, « une histoire d’amour, de mort et de guerre ».
La pièce hantait Pascal Dusapin depuis trente-cinq ans. « Dans une notice qui m’était consacrée dans le Larousse de la musique publié en 1981 était déjà indiqué que j’étais en train de travailler sur Penthésilée de Kleist. J’ai de la suite dans les idées », s’amuse le compositeur français vivant le plus joué qui vient de fêter ses soixante ans. Au cœur de son septième opéra, se déploie une musique à la semblance d’un sombre joyau où il pousse son “tropisme lyrique” dans des recoins sonores paroxystiques : « La voix me préoccupe toujours. Aujourd’hui tout geste compositionnel est associé au lyrisme pour moi. En écrivant pour le piano, par exemple, je cherche à trouver une respiration très physique, proche de celle du chant. »
Pour le compositeur, « il fallait attendre que la thématique du texte s’intègre parfaitement dans l’époque. Avec Medeamaterial (1992), les choses étaient évidentes. À travers le mythe, la Bosnie était au centre de l’œuvre. Pour Penthesilea, elles le sont désormais aussi. Il y est question de la Libye, de la Syrie… » Et de citer la phrase de la romancière (est) allemande Christa Wolf qui ouvre la partition : « Ce n’est pas un beau spectacle, l’ère moderne commence. » Reflet « d’une inquiétude, la [s]ienne, mais également celle qui irrigue la psyché collective », l’opéra frappe le spectateur en pleine âme. « À sa création, à Bruxelles, il y a quelques mois, tous ceux qui travaillaient sur la production – chef, musiciens, chanteurs, machinistes… – avaient quelque chose à dire d’une histoire qui les touchaient intimement en questionnant leur conscience au monde », précise-t-il. Servi par une musique d’une intense âpreté, le livret est une réécriture de la geste homérique. Alliées des Troyens, les fières Amazones se lancent dans une lutte à mort contre les Grecs. Leur reine Penthésilée livre un combat singulier contre Achille. C’est une sarabande fiévreuse où la haine et l’amour se mêlent de manière indissoluble dans laquelle le guerrier achéen, défiguré et déchiqueté, succombe, emporté par un maelström de violence reflétant un monde régi par des lois absurdes et strié d’inimitiés aussi inexplicables qu’inextinguibles.
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