L’Est Républicaine
En juin 2009, la Bulgare Mariya Nedelcheva entrait au Parlement européen. Rencontre avec une jeune députée de 32 ans, pétrie des idéaux des “pères fondateurs”, représentant un pays émergeant.
En France, évidemment, la vie politique bulgare nous semble éloignée et l’on n’a aucune idée des débats qui agitent le parlement de Sofia. Qui est capable, par exemple, de citer, le nom du parti ayant obtenu le plus de voix aux législatives de 2009 ? Hum… Il s’agit des Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie qui, avec 39,7 % des voix (et 116 députés sur 240) ont manqué de peu la majorité absolue. Quelque temps avant, la jeune formation (fondée en 2006) avait aussi gagné les européennes avec un peu moins d’un quart des suffrages exprimés. Mariya Nedelcheva a surfé sur cette vague, déclarant en souriant appartenir au plus récent parti du pays, qui remporte « l’adhésion des 20-35 ans puisqu’il mise sur le développement européen de la Bulgarie conciliable avec ses intérêts nationaux ». Situé au centre-droit[1. Au Parlement européen, il appartient au plus grand groupe, celui du Parti Populaire Européen (264 membres) dont sont aussi membres l’UMP française ou la CDU allemande], il a « commencé par se structurer au niveau local, avec comme plus grande force, la volonté de s’attaquer concrètement – et pas seulement avec des déclarations – à un des problèmes récurrents depuis une vingtaine d’années en Bulgarie : la corruption et la criminalité organisée. »
Pour l’Europe
Mariya Nedelcheva est une des enfants de la chute du Mur, marquée à jamais par le vent de liberté et d’ouverture qui souffla sur les pays de l’Est. Sa conviction européenne prend sa source dans un modèle dépassant les intérêts nationaux. Elle lutte ainsi « au quotidien » contre l’image caricaturale d’une Union technocratique détachée des préoccupations des citoyens : « Il ne faut jamais cesser d’expliquer, de faire preuve de pédagogie pour montrer, de la manière la plus simple possible, que l’Union européenne a une action très concrète, tous les jours, dans la vie de chacun, des consommateurs, des enfants, des agriculteurs… » L’ouverture continentale, elle l’a pratiquée bien avant de faire de la politique, étudiant à l’Institut des sciences politiques de Bordeaux et défendant un Doctorat intitulé Les perspectives d’intégration européenne et leur impact sur le système des partis politiques en Bulgarie, en Roumanie et en République tchèque. Si l’État Nation ne semble pas être un cadre obsolète pour la députée, elle est néanmoins admirative de ceux qui « ont réussi à construire cette union en dépassant leurs différences au nom du bien commun ». « Fière de venir d’un pays où l’enthousiasme européen n’a jamais faibli au fil des années », elle tient la très faible participation aux élections européennes de 2007 comme un « rejet des anciennes élites » et de leurs discours surannés. « Après 1989, il a y eu une réelle euphorie à l’Est. Chez certains, elle a laissé place à une désillusion lorsque les négociations d’adhésion ont commencé. » Consciente de la responsabilité des élus dans ce constat, elle brocarde « les pays qui se vantent d’être des moteurs de l’Europe et qui, trop souvent, disent à leurs citoyens que tout ce qui ne marche pas est la faute de l’UE. On connaît les conséquences de ce type d’attitude : une montée des populismes et de l’extrême droite. »
Pour Strasbourg
Mariya Nedelcheva fait partie des députés qui défendent fermement Strasbourg. Si l’aspect institutionnel est important pour elle[2. Le statut de Strasbourg est inscrit dans le marbre des traités], la cité est aussi « un symbole de l’histoire du continent, et de cette construction là ». Elle avoue cependant comprendre certains opposants, déplorant « le manque d’infrastructures hôtelières, les trop rares vols directs… » Ce qui n’empêche pas Mariya de goûter, une semaine par mois, « l’esprit d’ouverture de la ville et son atmosphère si particulière ». Avec une étonnante maturité, la trentenaire développe une vision réformiste de l’Europe dans laquelle le Conseil des ministres « voterait à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité[3. Le Conseil des ministres vote à l’unanimité sur des domaines régaliens ce qui donne un droit de véto à chaque pays, plutôt qu’à la majorité qualifiée où chaque pays dispose alors d’un nombre de votes proportionnels à la taille de sa population], seul moyen efficace d’avancer ». Autre de ses préoccupations, l’extension réelle des Accords de Schengen à la Bulgarie et à la Roumanie (en débat du 8 au 10 juin). Les deux pays « remplissent les conditions techniques. À partir de là rien ne doit faire obstacle à ce que les Accords leurs soient appliqués : il ne peut exister de traitement différencié alors même que nous respectons les conditions fixées par l’UE sur Schengen, que les travaux et formations nécessaires à la tenue de nos frontières extérieures, notamment à l’Est, donnent entière satisfaction. Refuser notre intégration à Schengen risqueraient d’alimenter des mouvements nationalistes et xénophobes sur le mode “ils ne nous veulent pas”. » Une Union européenne à deux vitesses risquerait, alors, de creuser le fossé entre les peuples…