L’enfer derrière le paradis
Jeremiah et Kurdy poursuivent leur odyssée dans un univers post- apocalyptique… qui ressemble foutrement au notre. La trente-et-unième étape se déroule au sein d’un sacré Panier de crabes.
Soleil mexicain ne rime pas forcément avec vacances pépères : c’est ce que vont constater Jeremiah et Kurdy Malloy qui tracent leur route depuis 1979 (avec La Nuit des rapaces). Pour cet opus, ils ont – sans doute provisoirement – quitté les villes dévastées par l’apocalypse pour un univers riche et policé, en apparence tout au moins. Lorsqu’ils rencontrent Verona, jeune automobiliste en quête d’affection, glamour et lookée (bottes rouges, mini rayée et tee-shirt jaune au milieu de nulle part) qui vient de crever, ils ne savent pas dans quel guêpier ils sont sur le point de se fourrer. Les voilà invités dans une oasis de luxe et de volupté… bien dénuée de la beauté, de l’ordre et du calme du poème. Une maison seventies, une piscine bleue turquoise, des domestiques par dizaines… Même après la fin du monde, les antiquités et l’art (la profession du père de la belle), ça rapporte encore. La BD est du reste l’occasion d’un flingage, pas toujours subtil et un brin convenu, mais éminemment amusant, de l’art contemporain où certains s’extasient devant une ventouse à déboucher les chiottes posée sur un socle et où l’on voit un “créateur gourou” se livrer à une stupéfiante performance scato-picturale…
Le dessin de Hermann fait à nouveau merveille : si, parfois, le scénario est irrégulier, il demeure décidément, aujourd’hui, un des plus grands dessinateurs de la bande dessinée. Son trait expressionniste transporte le lecteur au cœur des univers les plus variés, western (avec l’immortelle série que fut Comanche), Moyen-âge (Les Tours de Bois-Maury sont une incontournable référence) ou encore Antiquité (eh oui, il fut l’auteur des deux premiers épisodes de Jugurtha)… Liste non exhaustive. Amours, jalousies exacerbées, violence. Le paradis se métamorphose vite en enfer sanguinolent et c’est Kurdy-le-philosophe qui résume l’ambiance en affirmant : « Y a quelque chose qui pue. Je le sens ». Nos héros vont “régler” la question et poursuivent désormais leur route vers de nouvelles aventures.