L’archi prend le pli

À proximité des gravats de l’ancien Centre socio-culturel du quartier Wagner de Mulhouse s’élève, depuis septembre, L’Origami, nouveau bâtiment réalisé par l’agence strasbourgeoise de Paul Le Quernec. Découverte d’un volume aux angles saillants, d’avantage expressif que zen.

Salles de sport, groupes scolaires, crèches… Spécialisée dans les équipements publics, Paul Le Quernec a notamment conçu une école dont la forme évoque un gruyère (à Montlebon) ou encore des ateliers municipaux prenant l’apparence d’une vague (à Rixheim). Selon lui, son agence est retenue lorsque le commanditaire veut donner une image forte aux constructions. « Un bâtiment doit avoir des qualités plastiques. J’ai une réaction épidermique face aux boites parallélépipédiques, trop présentes en France où les programmes sont interchangeables : on conçoit une gendarmerie comme une bibliothèque. L’architecture, très pauvre, tente de se dissimuler grâce à l’usage de matériaux clinquants ou derrière un traitement de façade. On a longtemps eu du verre sérigraphié, qui pour moi est du papier peint extérieur, ou encore de grandes lettres imprimées, une manière d’exprimer une idée sur des murs lorsque la bâtisse n’en a pas ! » Le Quernec ne mâche pas ses mots et évite l’esbroufe. « Les matériaux que nous utilisons ? Je dirais que chez Casto, y’a tout ce qu’il nous faut : le luxe est dans la forme, non dans les matières. » Il va sans dire que sa dernière création vigoureusement expressive ne fait pas d’« effets de manchette ».

High energy

Construit dans une cité ouvrière en pleine mutation, L’Origami aux arrêtes aigues « capte l’énergie de ce quartier difficile ». L’architecte précise : « Nous avons avant tout réalisé un bâtiment aux fonctions multiples qui répond au mieux aux attentes des usagers. Il y a cependant une évidente violence dans la volumétrie car il entre en résonnance avec l’atmosphère tendue présente dans l’air. L’édifice s’affirme ! On peut y apprendre l’informatique, la cuisine, la couture ou la menuiserie, le Centre socio-culturel regroupe de nombreuses initiatives : je le vois comme un chat qui essaye de sortir d’un sac. » Comme s’il se tordait par la force déployée à l’intérieur.

Véritable repère dans le quartier, « telle une église dans un village », L’Origami se hausse sur un terrain d’une surface réduite : 20 X 40 mètres. L’édifice occupe le moindre centimètre de la parcelle allouée, « pleine comme un œuf ». Le plan du rez-de-chaussée est somme toute assez simple : on a deux carrés avec d’un côté un atelier de menuiserie et de l’autre une salle polyvalente (plus l’accueil, les bureaux de la direction et quelques locaux techniques). L’idée est de pouvoir fermer une partie du bâtiment par une grande porte escamotable afin d’utiliser la vaste pièce dédiée aux manifestations diverses de manière indépendante. À l’étage, il y a des salles de formation de toutes tailles, une cuisine pédagogique, un espace détente, quelques bureaux et une terrasse de 80 m2.

Une grosse pastèque

En s’élevant, les deux gros blocs présents au rez-de-chaussée pivotent, créant une torsion. « Puis, nous nous sommes “contentés” de relier les sommets : c’est ce qui plie la façade », explique-t-il simplement. « On a l’impression qu’il s’agit d’un geste artistique torturé, mais la règle géométrique régissant le bâtiment s’écrit en une seule ligne. » Si l’extérieur est “froissé”, l’intérieur n’est pas comme “repassé” : « Il y a une indispensable cohérence entre le dehors et le dedans. » D’où cette impression d’ivresse qu’on peut avoir en parcourant les espaces.

Cette construction est comme une grande brique, complétement déformée et « sévèrement taillée sur les flancs » pour laisser pénétrer la lumière. Pour faciliter l’orientation du visiteur dans ce bâtiment complexe, l’architecte a créé des effets de transparence et des vues traversantes. C’est une constance dans ses projets. Aussi, les couloirs sont entièrement peints en orange, afin de marquer les espaces de circulation, tandis que les salles sont en blanc, créant un apaisement lorsqu’on y pénètre. Recouverte d’écailles en zinc noires et irriguée de veines couleur mandarine, la bâtisse évoque un monstre sombre et géométrique, mais organique, tel le Leviathan d’Anish Kapoor. Le Quernec aime réaliser des bâtiments sculptés dans une masse : « Je distingue la peau de la pulpe. » L’architecte compare sa récente création à une pastèque, « vert foncé dehors et qui devient rouge vif lorsqu’on l’entaille. Quand on entre dans L’Origami, on pénètre dans une matière. »

L’Origami, Centre socio-culturel du quartier Wagner à Mulhouse

www.mulhouse.fr

www.paul-le-quernec.fr

 

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