Jurassic future
Un univers post-apocalyptique où les hommes cohabitent avec des dinosaures. Tel est le cadre des très pulp Chroniques de l’ère Xenozoïque, bijou eighties dont l’intégrale vient d’être publiée.
Voilà une BD culte dont les différents épisodes sont opportunément réédités en un imposant volume de près de 350 pages : créés en 1986 par le brillant Mark Schultz – qui s’occupe de la saga Prince Valiant depuis 2004 – les Xenozoic Tales sont originellement sortis chez Dark Horse, la troisième maison d’édition de comics aux États-Unis (après Marvel et DC). Un cataclysme terrible s’est déroulé sur terre… Au XXVIe siècle, les survivants – qui se sont longtemps terrés dans des souterrains – sont obligés de vivre dans un milieu hostile : NYC, à moitié submergé par les eaux, est sous la menace permanente des dinosaures qui ont fait leur grand come back. Voilà comment se présente l’ère xénozoïque, qui signifierait grosso modo “ère des animaux étrangers” si l’on se fie au grec ancien (xenos / étranger et zoon / animal). L’Homme n’a évidemment pas changé et les différents groupes qui rassemblent ceux qui ont survécu au grand cataclysme de 2020 ont des relations compliquées, voire hostiles… Jack Tenrec et la sexyssime Hannah Dundee – les deux héros de cette saga – ne font évidemment pas partie de la même tribu…
L’esthétique est pulp. Le dessin, réaliste et nerveux, est servi par un noir et blanc de toute beauté et les événements s’enchaînent le moindre répit avec des influences multiples, des films de Tarzan avec Johnny Weissmuller (que Mark Schultz a découvert, enfant, fasciné par cette « aventure exotique et primitive ») à King Kong en passant par Hatari ! d’Howard Hawks et les romans de H.P. Lovecraft et Robert E. Howard. Dans des paysages luxuriants – la flore a aussi muté – nos héros se promènent en quête d’aventure(s), lui paladin buriné, elle toujours impeccable et glamour. Et l’on croise des mammouths, des Griths (créatures chtoniennes avec lesquelles on communique grâce aux lettres en plastique du Scrabble !), d’improbables bestioles marines pourvues d’incroyables dents ou encore des scorpions géants. L’action rebondit dans tous les sens, mais sous l’éclat brut des péripéties se cache une morale imparable que définit l’auteur dans son avant propos : il s’agit de « méditer sur les dangers de la déconnexion de l’homme avec le reste du monde, le monde “sauvage”, (…) de réaffirmer la préférence de Tarzan pour la franchise sans émotion de la nature face aux tromperies élaborées d’une race humaine névrotique ».