Joël Pommerat monte Amours (2) au TNS
Créé à la Maison centrale d’Arles où Joël Pommerat intervient depuis 10 ans, Amours (2) chemine autour des manques sentimentaux.
Un « écrivain de spectacles ». Faisant fi de toute hiérarchie habituelle entre texte et mise en scène, Joël Pommerat élabore les deux, de concert, au cours des répétitions. La démarche de cet autodidacte devenu l’une des figures de proue du théâtre français, auquel on doit deux des plus belles pièces de ces dernières années (Ça ira (1) Fin de Louis et Contes et Légendes), ne varie pas d’un iota. Depuis la fondation de sa compagnie Louis Brouillard en 1990, il ne monte que ses propres textes, avec le même souci de renouveler les modes de narration, comme de partir en quête du réel. Depuis une dizaine d’années, il intervient à la Maison centrale d’Arles, l’un des cinq établissements pénitentiaires à accueillir les personnes condamnées à de longues peines. Il y a créé plusieurs pièces et convié Caroline Guiela Nguyen à partager son travail, qui donna le court-métrage Les Engloutis, réalisé avec sa compagnie Les Hommes approximatifs, en 2021. Devenue directrice du TNS, c’est à elle de l’inviter pour présenter Amours (2), suite hors-les-murs du troisième spectacle né avec des comédiens “sous-main de justice”.
En 2019, Pommerat réalise un montage de textes issus de ses pièces (Cet enfant, Cercles / Fictions et La Réunification des deux Corées). Tous évoquent le sentiment amoureux, ou plutôt, en creux, son manque. L’administration de la Maison d’arrêt lui demande une forme plus légère que les précédentes, ayant entraîné beaucoup de travail logistique et sécuritaire au personnel. Il décide donc de se passer de décor, mais aussi de lumière, de son, de costumes et d’accessoires. De n’utiliser que les seules chaises de la salle proposée. Comme un retour à l’état brut du théâtre : un texte, cinq comédiens et un public de 17 spectateurs. Il se trouve qu’en 2021, deux des détenus ayant participé à l’aventure ont été libérés. L’envie de faire vivre à l’extérieur ce qui s’était noué à l’intérieur séduisait tout le monde, notamment Jean Ruimi, dit Yeux bleus, ancienne figure du grand banditisme marseillais qui, la soixantaine, a vu sa vie prendre un nouveau sens à la découverte de l’art théâtral durant sa peine. Au point de reprendre des rôles dans les tournées de certaines pièces de Pommerat. Fidèle aux contraintes initiales, la pièce se joue dans un lieu non scénique – le Studio (vide) Jean-Pierre Vincent – et raconte, en précipités, le bouleversement des vies à l’âge adulte quand on se rebelle contre un père aussi brutal que têtu, l’ambivalence des sentiments d’une mère sans le sou confiant son bébé à un couple ne pouvant en avoir, ou encore le retour d’un amour de jeunesse des années après, défiant la vie bien rangée que l’on s’est forgée.
Au Théâtre national de Strasbourg du 12 au 16 mars
tns.fr